POIL DE CAROTTE

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Avons-nous une dette vis-àvis de nos parents

vendredi 28 juillet 2000, par Jeanne HILLION

pour la reflexion sur ce sujet, rien de mieux que cet extrait d ’ un texte de Pierre KAMMEMER,
psychanalyste que je retranscris . il est paru au 4 ème trimestre 1990 dans l’excellente revue DIALOGUE, :

Lorsqu’ils ont transmis la vie à un enfant, les parents ont encore à s’acquitter, vis-à-vis de lui, d’une dette de vie : dette de vie qu’eux-mêmes, ils ont contractée auprès de leurs propres parents ou de ceux qui les ont lancés dans la vie. Il s’agit d’être et de faire ce qu’il faut pour que cet enfant, de petite masse de chair devienne, à travers l’humanisation des pulsions qui le traversent, un sujet d’Humanité.

La mère donne son ventre et ses bras, son sein et son regard, elle se prête à la dyade mère-enfant, se rendant totalement disponible à son enfant... durant un temps. Puis elle introduit du manque, elle devient plus insatisfaisante, plus distante, au fur et à mesure qu’il peut le supporter.Dans cet écart qu’elle creuse, elle introduit du tiers : un troisième terme, le plus souvent c’est le père. Mais quiconque aura pu donner à lamère comme à l’enfant des gages de son intérêt et de son amour, quiconque leur aura montré qu’ils lui sont précieux l’un et l’autre, pourra entrer dans cette fonction tierce, si la mère lui reconnaît cette place. Cela fait partie de ce qu’une mère doit à son enfant : l’introduire à du tiers...

Voilà l’essentiel de la dette de vie qu’une mère a contractée auprès de sa propre mère, et qu’elle va devoir acquitter auprès de son enfant. Non seulement durant ses toutes premières années d’existence, mais aussi des milliers de fois, tout au long de la vie, en de multiples occasions.

Le père, lui, donne son nom, son patronyme, et son NON, son refus que l’ enfant reste en fusion avec la mère. Son refus, aussi, que l’enfant ne se constitue que comme prolongement narcissique de sa mère. Il refuse, et il n’ est pas le seul d’ailleurs, que la satisfaction de l’enfant se suffise d’ être un objet de satisfaction pour sa mère. Mais ce n’est pas en tant que seconde mère que le père se situe. S’il prépare et s’il propose son appui, ce n’est pas pour porter l’enfant de la même manière que la mère a pu le porter. Encore moins pour s’attacher l’enfant ; ni pour l’assujettir à sa loi, comme s’il s’agissait d’un esclave. C’est pour lui servir de tremplin pour le lancer dans la vie.

L’autorité des parents est transitoire, elle ne sert qu’à ce que l’enfant prenne autorité sur lui-même. Ils lui doivent de le mettre en situation d’ acquérir les qualités et les compétences qui lui permettront de trouver place en société, dans une relation d’échange et de réciprocité, et non comme parasite. Ils auront enfin à le délier d’avoir à vivre selon leurs désirs à eux, et à le délester de toute dette imaginaire qu’il entre­tiendrait à leur égard leur enfant ne leur doit rien (sauf plus tard, l’assistance, dans la vieillesse). Eux, seulement, doivent à leur enfant un étayage qui lui permette de s’automaterner et de s’autopaterner sans eux, et de poursuivre sa vie selon ses propres désirs.

Ce faisant, ils lui auront aussi transmis une dette de vie symbolique il devra assumer la même fonction auprès de ses enfants à la génération suivante.