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ASSOCIATION pour enfants tristes

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Attention aux délinquants de 2 ans !!!

dimanche 14 novembre 2010, par Jeanne HILLION

Attention, on est averti dès la page de garde : Mr bocquel cite Socrate

“Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises
manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun
respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des
tyrans.”

un rapport sur la prévention de la délinquance juvénile a été remis mercredi 3 novembre à Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Bockel met l’accent sur la responsabilisation des parents et revient sur l’idée controversée d’un repérage des troubles du comportement dès l’âge de 2 ou 3 ans.

à télécharger ici :

Rapport à
Monsieur le Président de la République
Novembre 2010
Jean-Marie Bockel, Secrétaire d’Etat à la Justice
La Prévention
de la Délinquance des Jeunes

Préambule

En me confiant, le 3 août 2010, la rédaction d’un rapport consacré à la
prévention de la délinquance juvénile, le Président de la République a entendu
mettre l’accent sur les thématiques de la prévention sociale et éducative. Il réaffirme
ce faisant la volonté qui est la sienne depuis longtemps d’élaborer une politique
d’ensemble équilibrée. Il nous invite à mieux articuler l’ensemble des séquences et
des champs qu’elles recouvrent, qu’il s’agisse de la prévention, de la répression et de
la sanction.
J’ai toujours partagé la conviction de Nicolas Sarkozy, d’abord comme élu local
et ensuite comme membre du gouvernement, que tout volontarisme dans la lutte
contre la délinquance « serait incomplet sans une politique de prévention, la
prévention de la délinquance étant en effet indissociable de la lutte contre la
criminalité ».
« Dur avec la délinquance, dur avec ses causes » disait Tony Blair. La jeunesse
doit être naturellement au coeur de la réflexion sur l’architecture présente et future
de nos politiques publiques. Elle est à la fois un enjeu immédiat qui appelle des
réponses opérationnelles structurées.
Mais, comme l’a déjà dit le Président de la République dans son discours du 29
septembre 2009 prononcé à Avignon, la jeunesse est également une question qui
touche à l’avenir, à la capacité que nous avons à nous projeter dans la France de
demain. Notre pays qui continue d’afficher un taux de fécondité supérieur à la
moyenne des autres pays européens dispose d’un véritable atout démographique,
crucial pour le renouvellement des générations, crucial pour notre croissance
économique.
Une telle spécificité confère aux décideurs publics, au plan local comme au plan
national, une lourde responsabilité politique et morale.
Elle nous renvoie à des questions de politiques de civilisation : quelle société
souhaitons-nous léguer aux générations futures ? Comment réussir à transmettre un
corps de valeurs que nous avons reçu en héritage, susceptible de permettre à la
jeunesse de France de prendre sa place au sein du contrat social ?
C’est à cette aune qu’il convient de situer notre ambition en matière de
prévention.
L’ensemble des dégâts qui résultent de la délinquance juvénile sont autant de
défis tant pour les responsables publics que pour le monde adulte.
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Il en va de notre capacité à enrayer des phénomènes qui, s’ils n’étaient pas
maîtrisés et même anticipés, pourraient conduire à une rupture de notre pacte
social.
Dur avec la délinquance est la juste traduction d’une volonté publique de ne pas
laisser faire, de sanctionner manquements et délits.
Dur avec les causes, c’est la formule qui renvoie à notre capacité d’analyse et de
veille des phénomènes de rupture afin d’élaborer des réponses à la mesure du défi
qui nous est adressé.
Comme l’a répété à plusieurs reprises Nicolas Sarkozy, nous ne pouvons à
l’évidence nous résoudre à observer chaque jour la montée du décrochage scolaire,
de la fuite dans les addictions ou dans la délinquance. Nous ne pouvons nous
résoudre à considérer la rupture d’une partie de notre jeunesse avec la règle
collective comme une fatalité. Ce serait un gâchis, pire une défaite morale pour la
République tout entière.
Ainsi, une politique de prévention ambitieuse et efficace doit agir
prioritairement à l’âge où les citoyens en devenir apprennent à construire leur place
dans notre société. Elle doit leur permettre d’intégrer et même d’intérioriser des
repères républicains trop souvent édulcorés ou raillés par une fraction de nos élites
qui ont pourtant la responsabilité de les incarner pour les transmettre. Ainsi en va-til
du caractère indissociable des droits et des devoirs et plus largement des règles
morales et de civilité indispensables à la perpétuation du vivre ensemble, car dans
notre société démocratique l’exercice des libertés ne peut être effective sans
acceptation des figures de l’autorité qui les garantissent et les protègent.
A l’issue de cette mission, j’ai la conviction que nous avons les moyens de
consolider une politique visant à faire prévaloir le droit égal à la sécurité et le mieux
vivre ensemble. Mon objectif est de faire à la fois des propositions claires et fortes,
déterminées et audacieuses, sur lesquelles pourront s’appuyer les transformations et
les avancées que réclame notre société.
Le temps est venu de promouvoir une politique nationale de prévention de la
délinquance juvénile qui mobilise l’ensemble des acteurs et prenne en compte
toutes ses dimensions. Une telle politique doit s’enrichir des bonnes pratiques du
terrain afin en retour de mieux les soutenir, les pérenniser et les diffuser.
Cette politique publique ambitieuse et pragmatique repose sur des valeurs
communes, un diagnostic partagé, des actions inscrites dans la durée pour
l’ensemble du territoire. Elle requiert une évaluation « objective » qui permette une
adaptation permanente aux besoins.
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Ce rapport est au croisement de différentes réflexions et de pratiques françaises
et étrangères comme ont pu en attester les Assises de la prévention de la
délinquance des jeunes organisées le 14 octobre dernier à la Cour d’Appel de Paris.
Dans un souci d’efficacité, mais aussi d’optimisation de nos dispositifs, a été
privilégiée une démarche pragmatique structurée en trois temps :
− la réalisation d’auditions de grands témoins (institutionnels, judiciaires,
médecins, experts et personnes qualifiés) ;
− l’exploitation de travaux récents ;
− des déplacements effectués dans plusieurs villes françaises et européennes.
J’ai l’honneur, Monsieur le Président, de vous livrer les résultats de mes
réflexions.
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Dès 2002, la sécurité de nos concitoyens a été placée au coeur du débat
public. Face à une montée significative de la violence, une politique nouvelle a été
mise en oeuvre.
Elle s’est notamment traduite par l’adoption de plusieurs textes législatifs -lois
du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure, du 9 mars 2004 portant adaptation de la
justice aux évolutions de la criminalité, du 12 décembre 2005 sur la récidive, du 5
mars 2007 sur la prévention de la délinquance- et par la création des Groupes
d’intervention Régionaux (G.I.R) pour lutter contre l’économie souterraine.
Une politique forte en direction des mineurs a été établie qui a vu notamment la
création des centres éducatifs fermés (C.E.F), d’établissements pénitentiaires pour
mineurs (E.P.M), l’accélération des procédures pénales applicables aux mineurs.
Le développement salutaire de la vidéoprotection, grâce à une enveloppe
budgétaire portée à 20 millions d’euros pour l’année 2010, a constitué également
l’un des axes forts de la politique de prévention figurant dans le plan national
triennal annoncé en octobre 2009.
Avec le recul, cette politique de fermeté était d’autant plus la bienvenue que l’on
constate aujourd’hui encore une progression des faits de délinquance commis par
des mineurs. Ces faits se déclinent dans trois champs principaux.
Dans les familles : toute puissance de certains enfants conduisant à l’anomie,
effet d’éviction des parents dans certaines familles, démission parentale dans
d’autres, création d’une économie intrafamiliale de survie basée sur les trafics, crise
de notre modèle d’intégration républicaine.
A l’école : constat d’échec unanime quant aux 150.000 mineurs qui sortent
chaque année du système scolaire sans formation ni diplôme, absentéisme et
décrochage scolaire conduisant à l’émergence d’une catégorie de jeunes sans
repères, livrés à la rue, devenant des cibles privilégiées pour la délinquance et
l’intégrisme religieux. Constat encore d’une montée en puissance des violences et
du harcèlement scolaire.
Sur la voie publique : phénomène d’occupation de l’espace public par des
bandes, rajeunissement dans leur composition et apparition de groupes de filles
tournés vers la délinquance. Intensification du phénomène de prosélytisme religieux
via les prêcheurs.
Mais cette politique équilibrée consacre aussi l’engagement volontariste de l’Etat
notamment avec la mise en place du plan pluriannuel de prévention de la
délinquance piloté par le Premier Ministre et s’appuyant sur le Fonds
Interministériel de Prévention de la Délinquance (FIPD). Le montant de ses crédits
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s’est élevé en 2009 à 36,6 millions d’euros dont 53,5% des crédits engagés ont
permis de financer plus de 2200 projets hors vidéoprotection.
En 2010, le FIPD est doté de 48,7 millions d’euros auxquels s’ajoutent 1,6
millions d’euros de reports de crédits soit au total 50,3 millions d’euros, ce qui place
cet instrument à son plus haut niveau depuis sa création.
Au-delà de l’évocation de l’existant, la mission a souhaité à titre liminaire
procéder à une clarification des concepts afin de mieux délimiter le champ de ses
investigations.
Ne pas confondre délinquance et déviance
La délimitation paraît a priori claire, tant sur le plan conceptuel que statistique :
la délinquance est une construction juridique qui désigne l’ensemble des crimes et
délits commis sur un espace et en un temps donné, et se détermine par rapport à la
loi. La déviance est quant à elle une construction sociale qui désigne l’ensemble des
conduites qui s’écartent de la norme, et se détermine par rapport à des « valeurs ».
La distinction entre ces deux notions repose sur la nature des réponses que
l’acte ou le comportement entraîne : légale dans un cas, sociale dans l’autre, une
action pouvant entraîner des réactions sur les deux registres. On ne sait pas
toujours à partir de quels registres déterminer des réponses adaptées. Pour
nécessaire qu’il soit, le registre judiciaire n’est pas toujours suffisant.
Le jeune, une catégorie difficile à cerner
La jeunesse recouvre pour partie l’enfance, l’adolescence, et se prolonge
aujourd’hui bien au-delà de la majorité.
Lorsque l’on se situe soit sur le terrain juridique, soit sur celui des politiques
publiques, elle représente des périodes de la vie délimitées par des âges précis.
Néanmoins, ces limites varient en fonction du registre sur lequel on se situe : pénal,
civil ou administratif. Possibilité de sanctions éducatives dès 10 ans, responsabilité
pénale à 13 ans et renforcée à 16 ans, passage à la majorité civile à 18 ans, mais
aussi dispositifs « jeunes majeurs » jusqu’à 21 ans, politiques de prévention
spécialisée pouvant bénéficier à des « jeunes » jusqu’à 25 ans, voire 30 ans.
J’ai la conviction qu’un mineur qui commet un acte de délinquance n’est pas un
adulte en miniature, mais un adulte en devenir.
Il s’agit alors de faire advenir en lui un principe de responsabilité. La sanction
exige par conséquent un cadre socialisant et structurant.
Des champs de réflexion et d’action complémentaires se sont dessinés au fil des
auditions et du recensement des pratiques efficientes. Il apparaît dès lors nécessaire
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de tenir compte de l’ensemble de ces considérants pour donner à une politique de
prévention globale et durable la densité requise.
Cette approche fait ainsi apparaître trois grands chantiers structurants :
− Le soutien indispensable à la parentalité (I)
− La restauration de la citoyenneté par l’école et sur l’ensemble du territoire de
la République (II)
− La mise en oeuvre d’une stratégie volontariste de reconquête de l’espace
public (III)
• Le soutien à une fonction parentale en crise (I)
En lieu et place du chef de famille qui concentrait naguère le pouvoir de
décision, l’autorité parentale est une notion aujourd’hui qui manque d’ancrage dans
une société en perte de repères. Les recompositions qui affectent la sphère familiale
ne sont certes pas toutes négatives, notamment en ce qui concerne la place des
femmes et la redistribution des rôles au sein de la famille comme dans le reste de la
société. Mais comme tout progrès, la libéralisation, intervenue depuis le début des
années 70, a sa part d’ombre. La paternité traverse une crise, alors que les familles
monoparentales se multiplient. Les difficultés subjectives qui pèsent sur l’exercice
de l’autorité parentale se conjuguent à des freins objectifs qui résultent aussi pour
une part des difficultés d’intégration d’une partie de la population migrante.
A cette étape, il s’agit de jeter les bases d’une véritable politique de soutien à la
responsabilité parentale qui va dans le sens de l’exercice effectif des devoirs qui
incombent aux parents sans éluder la question posée d’une nouvelle économie de la
sanction graduée et proportionnelle à l’importance des manquements.
• Restaurer la citoyenneté par l’école et sur l’ensemble du territoire de la
République (II)
Comme l’a parfaitement souligné le Président de la République dans son
discours du 5 mai 2010 consacré à l’action de l’Etat contre les violences et
l’absentéisme scolaires, l’école doit demeurer le creuset où se forge non seulement
le futur citoyen mais où le sujet humain intègre dès le plus jeune âge la notion de
règle. Il convient d’identifier aujourd’hui les dysfonctionnements qui obèrent cette
ambition républicaine et de recenser l’ensemble des dispositifs permettant de les
combattre.
Des mesures fortes ont déjà été prises comme le déploiement des équipes
mobiles de sécurité au niveau des académies, l’installation à la rentrée scolaire 2010
du dispositif de « policier référent » dans 53 établissements scolaires identifiés
comme les plus sensibles, l’intensification des échanges d’informations entre les
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équipes pédagogiques, la police et la justice et enfin la création des Etablissements
de Réinsertion Scolaire (ERS).
D’autres instruments de prévention reposant sur des partenariats locaux
méritent néanmoins d’être systématisés notamment en matière de lutte contre les
discriminations scolaires.
Il s’agit aussi de prendre à bras le corps l’échec scolaire en le considérant
comme un facteur explicatif du rejet pouvant survenir à l’égard des institutions en y
apportant des solutions passant par l’alphabétisation, la socialisation précoce, le
travail des femmes et l’amélioration de l’offre scolaire.
L’heure est enfin venue d’élaborer une stratégie de reconquête des quartiers en
difficulté que la République ne saurait considérer comme des territoires perdus ou
relégués.
• La reconquête de l’espace public (III)
Cet enjeu constitue le devoir de l’Etat et de l’ensemble des acteurs concernés
qui sont mobilisés par la notion d’intérêt général.
Il s’agit de regarder ici la réalité en face, d’affronter les défis qui minent le pacte
républicain dans son expression quotidienne, qu’il s’agisse des phénomènes de
bandes, des trafics, de la montée en puissance de l’économie souterraine mais aussi
d’un prosélytisme fondamentaliste hostile aux principes de laïcité.
Les réponses qu’il appartient de préconiser doivent s’ajuster à cet état des lieux
sans déni du réel qu’il s’agisse de donner une meilleure visibilité à la prévention
spécialisée, au métier d’éducateur, de fournir aux jeunes fonctionnaires de police
une formation adaptée au terrain ou encore d’encourager un réveil de la citoyenneté
fondée sur le bénévolat.
L’ensemble de ces propositions devra pouvoir s’appuyer sur une réflexion
quant aux moyens budgétaires alloués et à une méthodologie spécifique
d’évaluation des politiques mises en oeuvre.
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Partie 1 : Soutenir la parentalité
L’ensemble des diagnostics posés sur la prévention de la délinquance juvénile
nous ramènent à un constat premier. Les parents, souvent dépassés ou démunis
face aux comportements de leurs enfants mineurs, assument de manière moins
évidente qu’autrefois leur rôle d’autorité. Une crise de structure, d’influence et de
pouvoir s’est incontestablement installée dans la parentalité.
Cette crise traduit en réalité une évolution de fait et de droit initiée dès les
années 1970 avec l’introduction du concept d’autorité parentale qui a changé
sensiblement les rapports entre parents et enfants.
Elle s’accompagne aussi d’évolutions sociologiques, comme l’augmentation du
nombre de familles recomposées ou monoparentales ou encore de familles
appartenant à des communautés d’origine étrangère installées sur le territoire
national et dont le fonctionnement est différent du nôtre.
Elle s’explique aussi par le fait que l’information, autrefois centralisée entre les
mains des parents et des enseignants, vecteurs principaux de l’éducation est
aujourd’hui transmise et relayée par des médias extérieurs et par l’Internet. Ni la
famille ni l’école n’apparaissent aujourd’hui, aux yeux des mineurs, comme les
sources principales de la transmission du savoir. Leur mission éducative se voit
donc contestée quand elle ne leur est pas purement et simplement déniée.
I- L’abandon des schémas traditionnels
A- L’autorité parentale : une notion qui reste à définir
La loi de 1970 sur l’autorité parentale a fait disparaitre le concept de puissance
paternelle et, avec elle, la notion de chef de famille. Le rôle majeur du père,
également lié à l’incapacité des femmes et à la puissance maritale, s’est effacé devant
un nouveau concept d’autorité parentale qui s’analyse comme un ensemble de
droits et de devoirs ayant pour finalité l’éducation et le développement de l’enfant.
La protection des enfants, dans leur sécurité, leur santé et leur moralité est
l’objectif aujourd’hui assigné.
Cette notion, très juridique, est aussi trop générale. Elle est souvent, comme
telle, incomprise, par des parents qui ne savent pas comment atteindre ces objectifs
et pour lesquels l’autorité parentale est une donnée lointaine, voire totalement
ignorée et en tout état de cause jamais enseignée.
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Elle est également diluée car l’autorité parentale qui existe en droit, tant dans la
famille issue du mariage que du concubinage, se maintient de manière conjointe en
cas de divorce ou de séparation. A l’identique, elle s’exerce pour toutes les formes
de filiation dans le mariage, hors mariage ou adoptive.
Ce concept renvoie finalement moins à une hypothèse d’autorité qu’à celle
d’une protection jusqu’à sa majorité, des droits de l’enfant quelle que soit la
configuration prise par la famille.
Notion cadre, trop large et devenue à l’usage trop souple, elle ne définit pas ce
qu’est l’exercice de l’autorité des parents sur l’enfant, laissant à chacun de ses
titulaires la tâche délicate de la définir.
Souvent remaniée depuis son adoption (lois du 22 juillet 1987, du 8 janvier
1993, du 4 mars 2002) notamment pour faire face à l’éclatement et à la
recomposition du noyau familial, l’autorité parentale est, en outre, souvent
contestée par ses détenteurs ou par les mineurs sur lesquels elle s’exerce.
A telle enseigne que son exercice pour les parents se conçoit tantôt dans la
culpabilité, tantôt dans la négociation, contenue en germe dans le dernier alinéa de
l’article 371-1 du code civil qui dispose que « les parents associent l’enfant aux
décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ».
Parce qu’elle s’est progressivement construite en réponse aux évolutions de la
famille, l’autorité parentale reflète aussi les fragilités et, par là même, les difficultés à
se faire respecter des adultes comme des enfants.
On peut ainsi en conclure que la création d’une prétendue démocratie familiale,
créatrice de confusion entre les droits et devoirs des parents et des enfants, reste
mal assimilée par le corps social. Confusion qui s’exacerbe sous la pression de
l’éclatement de la famille et la désacralisation des parents et de l’école.
B- Une conséquence évidente : la solitude des plus jeunes
Résulte de cette autorité parentale déstabilisée, tant en droit que dans les faits,
un phénomène inquiétant de solitude d’un certain nombre de jeunes insécurisés par
la faiblesse de la structure familiale.
La délégitimation des familles conduit également à une délégitimation plus
globale de l’autorité et par voie de conséquence de l’école, avec pour effet une
déscolarisation précoce.
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L’absence de parentalité réelle et assumée induit, dans l’esprit du mineur, une
absence de projet et de possibilité d’inscription dans l’avenir. Se vivant sans parent,
le mineur se perçoit sans passé, sans avenir et désinvestit l’école.
Dès lors, pour ces jeunes, les repères choisis sont des repères subis, souvent
extérieurs à la famille, où l’information instantanée se substitue à la transmission. La
structuration se fait par la contrainte du quartier, l’influence des pairs et l’échange
d’informations via l’image.
Sans véritables repères, les sollicitations multiples conduisent à la mise en place
de comportements désordonnés et dévalorisés soumis à des injonctions néfastes
émanant des aînés, qui s’arrogent l’autorité des parents, ou des groupes inscrits
dans la délinquance.
Cette dérive s’illustre de manière particulièrement caricaturale dans les rapports
qu’entretiennent les garçons avec les filles. Ils veulent une femme, ils tentent de se
l’approprier et souvent de façon violente. Cette violence est alors l’envers de leur
incapacité familiale, éducative et affective.
On ne dira jamais assez que le mineur délinquant est souvent un mineur en
rupture familiale. Même hébergé dans sa famille, il le reste car la déconstruction des
figures parentales rend difficile voire impossible l’accès aux apprentissages et à la
socialisation.
II- Construire une politique publique de la responsabilité
parentale
Comme l’a expliqué à la mission, Marc-Philippe Daubresse, Ministre de la
Jeunesse et des Solidarités Actives, « la famille doit être un partenaire privilégié de toute
action de prévention de la délinquance car elle constitue le premier cadre éducatif ».
La crise de la parentalité cache en réalité une crise de confiance dans l’adulte.
Celle-ci amène le mineur délinquant à défier puis à rejeter l’adulte. La défiance
institutionnelle, celle exprimée successivement à l’égard du maitre d’école, du
professeur, du policier ou du juge procède de cet enchaînement destructeur.
Le problème des mineurs délinquants réside d’abord dans leur positionnement
par rapport à l’autorité et donc par rapport à la loi.
Pour sortir de cette spirale qui annule progressivement tous les repères
d’autorité, c’est sur la première d’entre elles qu’il faut travailler : l’autorité des
parents. Philippe Jeammet, psychiatre, conforte cette idée en rappelant que « mettre
l’accent sur la responsabilisation des parents, c’est affirmer, à leurs yeux, et à ceux de leurs
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enfants, la réalité de leur importance. C’est valider et soutenir l’action éducative des parents, c’està-
dire en reconnaître la valeur et la nécessité ».
Au-delà des mesures techniques, il est aujourd’hui essentiel de construire une
politique publique de la responsabilité parentale, avec un corpus de principes, une
méthode et une communication institutionnelle.
A- L’autorité : un droit pour le mineur, un devoir pour ses parents
Les enfants ont des droits mais le premier d’entre eux est le droit à l’autorité. Ils
sembleraient d’ailleurs le réclamer. A cet égard, il faut relever que selon un sondage
de l’Institut CSA, réalisé en avril 2010 pour le quotidien La Croix, 79% des 15-24
ans interrogés attribuent une valeur positive à l’autorité. Selon la même enquête,
66% d’entre eux considèrent que les parents n’ont pas suffisamment d’autorité.
Dès lors, le système des devoirs imposés à un enfant ne peut avoir d’effectivité
que s’il est accompagné par un adulte responsable et au premier chef par celui qui,
au quotidien, exerce la parentalité. L’exercice de l’autorité parentale doit avoir un
contenu.
Pour répondre à cette nécessité, la mission considère qu’il faut porter le débat
public autour d’une question simple : Que veut dire être parent ? Comment exercer
cette responsabilité ? Comment assurer son autorité ?
L’Etat, face à une parentalité en berne, en échec ou en difficulté, doit assurer la
formation des parents en généralisant les écoles de parents, en développant le
« coaching parental », en prenant appui sur les réseaux d’aide à la parentalité et en
responsabilisant les parents par rapport à l’école.
1°) Réformer le contenu et la méthode des stages parentaux
Il ne s’agit ni plus, ni moins que de créer les conditions du rétablissement de la
parentalité républicaine. L’enfant doit à ses deux parents respect et obéissance,
mais, en retour, il est à leur égard créancier d’une éducation centrée autour de sa
santé, sa sécurité, sa moralité.
Cette mission éducative des parents suppose notamment que soit surmontée
l’incompréhension de certaines familles à l’égard du fait républicain.
Ainsi, certains parents d’origine étrangère ne perçoivent la France que comme
un pays dans lequel il serait interdit de punir et interprètent la liberté comme un
droit à la permissivité.
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La liberté républicaine, ensemble de droits et de devoirs dont l’enfant est
également débiteur, n’est pas suffisamment intégrée dans l’univers éducatif de
toutes les familles.
Enfin, certaines populations d’origine étrangère connaissent des structurations
familiales très différentes des nôtres. Force est de reconnaître que ni l’approche
ethnopsychiatrique, qui donne des clés pour comprendre le fonctionnement de ces
fratries, ni le recours à la médiation pour intervenir dans ces familles n’ont été
couronnées de succès. En effet, aucune de ces approches expertales ne permet
d’agir au sein de ces familles pour les inscrire dans un fonctionnement républicain.
Les stages parentaux, légalisés par la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la
délinquance, constituent un outil efficace mais qui doit être renforcé.
Le stage parental met en évidence la responsabilité partagée du mineur et de ses
parents et tente de convaincre les parents de se mobiliser sans prétendre modifier
l’institution familiale. Les parents sont invités à devenir des partenaires éducatifs.
L’enjeu pour les parents est de prendre part à cet évènement significatif que
représente la décision judiciaire. Cette intervention pédagogique et éducative,
centrée sur une double approche généraliste et stratégique du système familial, cible
la stimulation et la mise en valeur des capacités et des ressources parentales. Elle
offre l’opportunité aux parents de s’affranchir d’un sentiment de honte et de
culpabilité et d’avoir une prise sur la réalité.
Jean-Claude Marin, Procureur de la République de Paris
Ces stages, dont le bilan est contrasté en fonction de la manière dont ils ont été
mis en place, devraient être multipliés et répondre :
• à une méthodologie plus stricte et mieux encadrée
- Imposer ces stages dans un cadre contraint à toute famille, dont les
manquements sont avérés ;
- Aboutir, à l’instar de l’expérience menée par le TGI de Paris, à des
engagements écrits pris par les parents consacrés par un protocole
d’intervention, un rapport étant adressé au parquet mandant ;
- Assortir ces stages, en cas de non respect des convocations et de mise en
échec volontaire, de sanctions et de poursuites systématiques sur la base des
dispositions de l’article 227-17 du code pénal.
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• à des objectifs de fond mieux définis
- diffuser les valeurs de la République auprès des parents en réaffirmant la
valeur du travail comme mode d’émancipation et d’intégration ;
- décliner la liberté comme synonyme de responsabilité, tant du point de vue
des adultes que de celui des enfants ;
- rappeler le principe de réciprocité et que les droits des individus s’exercent
en contre partie de devoirs, notamment vis-à-vis de la société.
Le but de ces stages, qui pourraient d’ailleurs être solennisés et se tenir dans une
Maison de Justice et du Droit serait d’introduire, notamment auprès des familles en
difficulté avec leurs enfants, une conviction républicaine en lieu et place du
scepticisme et de la culpabilité autour de l’exercice des responsabilités familiales. Un
livret de la parentalité républicaine serait remis aux familles à l’issue de ces stages.
2°) Développer le soutien parental
Il s’agit de renforcer les capacités parentales et notamment les capacités de
parents à parler avec leurs enfants par une approche comportementaliste de la
parentalité qui repose sur des constats avérés.
Selon les dires du Président de la MILDT, M. Etienne APAIRE, en matière de
lutte contre la toxicomanie, 28% des parents n’évoquent pas la question des
drogues avec leurs enfants et la même proportion d’enfants réprouve le fait de ne
pas en parler. Or, sur le plan de l’efficacité, les études ont montré qu’il existe une
différence de 10 points entre deux populations témoins souffrant ou non de
problème d’alcoolisme en fonction du discours ou de l’absence de discours
parental.
Il faut renforcer les parents dans leur capacité parentale et éducative :
• par une reconsidération du rôle à long terme de leur parole et des interdits
qu’ils formulent. La force unique de l’interdit parental exprimé doit être
revalorisée.
• par la mise en confiance des parents dans la part qu’ils jouent dans le destin
de leur enfant, même s’ils ont l’impression de n’avoir ni la légitimité, ni les
moyens de lutter et qu’ils vivent parfois la délinquance comme une fatalité.
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En France, ces techniques n’ont pas percé car la réponse à la défaillance
parentale est soit celle de la sanction pénale ou morale, soit celle de l’excuse.
L’Etat reste trop largement, vis-à-vis de la défaillance parentale, dans la toute
puissance et l’incantation, ou dans l’impuissance, sans avoir développé ni mis en
oeuvre de véritables techniques de réparation.
►Nécessité d’élaborer, sur la base des exemples étrangers et notamment
australien, un programme national de coaching parental.
- Bonne pratique
L’exemple Australien :
The Triple P - Positive Parenting Program
Objectif : prévenir et soigner les problèmes de comportementaux, émotionnels
et de développement
- Collaborer avec les parents de manière à leur donner une plus grande
autonomie
Méthode : renforcer les connaissances, les compétences et la confiance des
parents
5 niveaux qui correspondent aux besoins différents des parents concernant le
type et l’intensité du mode d’assistance.
De 1° Elaboration d’interventions légères pour les problèmes courants pour
toucher un grand nombre de parents. Ex : faire des courses sans ennuis, bagarre et
agressivité, désobéissance, heure du coucher
A 2° conception d’interventions plus lourdes afin de cibler les populations mal
desservies, dont les besoins sont les plus grands
Niveau 1 : accès à des informations sur la parentalité.
Pour tout le monde
Niveau 2 : brief + consultation individuelle ou en groupe avec les parents et
travailleurs sociaux.
Pour ceux qui ont de légers problèmes comportementaux
Niveau 3 : 4 sessions avec notamment un entrainement pour acquérir certaines
compétences parentales.
Pour ceux qui ont des problèmes comportementaux légers à modérés
Niveau 4 : 8-10 sessions individuelles ou en groupe / accompagnement des
parents qui travaillent avec le manuel
Pour ceux qui ont de difficultés comportementales plus sérieuses
18
Niveau 5 : programme plus intensif quand la famille rencontre de réels soucis
avec l’enfant
Différents modes de prestation : individuel, web, autodirigé, séries TV,
téléphone, petit groupes, grands groupes
Périodes de l’enfance concernées : de la naissance à l’âge de 16 ans (période de
la très jeune enfance / préscolaire / de l’école primaire / de l’adolescence). Pour
chacune de ces périodes, l’ampleur de l’intervention varie de très large (concerne
toute une population) à très restreinte (ne concerne que les enfants à haut-risque).
Ce programme s’est développé au travers de 30 ans de recherche et de tests
cliniques.
La mise en oeuvre de ce programme de soutien pourrait être confiée ou diffusée
auprès des réseaux d’écoute d’appui et d’accompagnement des parents.
Ces réseaux, qui existent en France depuis 1999 et qui font intervenir des
parents pour aider d’autres parents pilotent en France aujourd’hui quelques 10.000
actions.
Comme l’a indiqué Nadine Morano, Secrétaire d’Etat chargé de la Famille et de
la Solidarité, « ces réseaux sont fondamentaux car ils ont en charge l’éducation des parents en
s’adressant principalement à ceux qui méconnaissent les règles de vie dans notre pays ».
Ces réseaux sont présents dans l’ensemble des départements et fédèrent des
actions menées essentiellement par le secteur associatif. Ce dispositif souple offre
une réponse adaptée aux besoins locaux et s’appuie sur la mise en réseau des
professionnels, des bénévoles et des parents.
Les actions menées visent à soutenir par le dialogue et l’échange les
compétences des parents, notamment lors de périodes charnières de
développement de l’enfant où l’exercice de la parentalité peut être mis à l’épreuve.
Ce type d’action, fondée sur le soutien à la parentalité, existe naturellement à
destination des familles monoparentales. La ville de Meaux connait ainsi un
dispositif novateur au travers une action intitulée « SOS-PARENTS ».
19
- Bonne pratique
SOS Parents-Ville de Meaux
1 – Contexte :
Cette action a été mise en place depuis 2006, dans le secteur A du quartier de
Beauval à Meaux. Il s’agit d’un territoire où 43% des familles ayant un lien avec la
CAF (c’est le cas de 80% des cas) sont des foyers monoparentaux. Ce qui a
également contribué à déclencher ce projet est le témoignage du Commissaire
Central de Meaux qui avouait ne pas savoir où orienter les familles des jeunes
multirécidivistes quand ces dernières sollicitaient un soutien ou un
accompagnement.
2 – Projet et son contenu :
Il est demandé au prestataire d’accorder une attention toute particulière aux
familles monoparentales. De 2006 à 2008, ce projet n’a pas trouvé son public. Les
partenaires hésitaient à y orienter les familles dont ils assuraient le suivi.
Il s’agissait de groupes de paroles suivis d’un accueil individuel. Compte tenu
des difficultés rencontrées par ce projet sous cette forme, il a été décidé de le
refondre dès 2009 en s’adaptant à la réalité sociologique de ce nouveau quartier.
Nous avons rebaptisé cette action : « SOS Parents », les groupes de parole ont été
supprimés pour ne conserver que les accueils individuels de parents en difficulté
éducative. Une tournée importante d’information des prescripteurs a été de
nouveau lancée, notamment auprès de la Police Nationale. A ce jour, la
psychologue qui assure le suivi des victimes et d’auteurs d’infractions au
commissariat de Meaux contribue à l’orientation des parents en difficulté vers le
dispositif « SOS Parents ».
Depuis cette réorganisation, le projet fonctionne à plein.
3 - Fonctionnement et financement :
Une psychologue assure un accueil tous les mercredis après midi en fonction
des rendez vous pris au long de la semaine auprès de l’accueil du centre social qui
héberge le projet. Cette action vient compléter, dans le centre social un autre projet
associé à la parentalité : « l’espace parents ». Ce lieu d’accueil des familles tend à
devenir le centre de ressources parentalité et famille de la Ville de Meaux.
Ce projet est porté par un cofinancement de la Ville de Meaux et de la Politique
de la Ville.
Développer un véritable programme de coaching parental en s’appuyant
sur les réseaux d’accompagnement des parents (Proposition n°1).
20
3°) Replacer le père ou le tiers au coeur de l’autorité
Dans certains quartiers où explose la délinquance juvénile, plus d’un foyer
sur deux est une famille monoparentale. Dans les foyers recomposés, lorsqu’il y a
une présence masculine, elle est souvent changeante. Ainsi sur presque 3.800.000
enfants qui naissent chaque année en France hors mariage, 60 à 80.000 d’entre eux
ne sont pas reconnus par leur père.
Par ailleurs, la disparition de la puissance paternelle et l’égalité homme/ femme
dans le travail a largement contribué à réduire l’influence des hommes dans la vie
familiale aussi bien sur le plan symbolique que réel.
De fait le père, souvent absent du processus éducatif, placé entre les mains des
mères, ne joue plus son rôle de tiers séparateur. Dès lors, il n’assure plus sa
fonction socialisante. Ce constat s’aggrave dans certaines familles d’Afrique noire
où la mère s’occupe exclusivement des enfants pendant toute la période du
primaire.
Ainsi, il ressort des auditions conduites qu’en primaire, 80% des convocations
sont honorées exclusivement par les mères. De la même manière, les actions de
soutien et de prévention en direction des familles n’atteignent presque que celles-ci.
Malheureusement, les fruits de ce travail entrepris en classes primaires se
perdent au collège lorsque le père prend le relais. Le travail d’éducation à la
parentalité doit, dès lors, recommencer à zéro.
De la même façon, dans certaines familles d’origine maghrébine, la mère joue à
l’égard des garçons, un rôle de surprotection néfaste à l’acquisition des interdits
républicains.
Il faut réintégrer les pères dans leurs responsabilités dans l’ensemble des prises
en charge scolaires, sanitaires, éducatives ou sociales.
La mission a également constaté que le statut du beau-père restait un sujet
complexe qui ne pouvait plus rester en jachère.
Ce débat initié le 13 février 2009 par le Président de la République mérite
incontestablement d’être repris car il apparait essentiel dans le fonctionnement des
familles recomposées.
Bien souvent, dans les familles recomposées, c’est le beau-père ou la belle-mère,
qui, en tant que tiers, assure de fait l’exercice de l’autorité sur l’enfant. Se pose alors
la question de la place du majeur qui doit pouvoir exercer une autorité sur les actes
de la vie courante de l’enfant avec lequel il partage le quotidien.
21
Il faut éviter que, devant celui qui n’est ni le père ni la mère mais qui contribue à
son éducation, l’enfant ne puisse opposer un refus (« tu n’es pas mon père »).
Pour reprendre les propos du père Jean-Marie Petitclerc « l’explosion de la
famille a laissé des traces et il faudrait au moins que l’autorité du beau-père ou de la
belle-mère soit reconnue par l’institution. Plutôt que d’évoquer le(s) parent(s)
démissionnaire(s), il faudrait plutôt parler d’un parent ou d’un beau-parent licencié
qui ne sait pas ce qu’il doit ou ne peut faire ».
Confier un statut aux beaux-parents (proposition n°2).
B - Responsabiliser les parents par rapport à l’école
La responsabilité des parents, notamment par rapport à l’école et au respect de
l’obligation scolaire, est à juste titre pointée du doigt. Pourtant, le paradoxe veut
qu’ils ne soient pas suffisamment associés à la vie scolaire et aux dispositifs qui
intègrent une dimension de prévention.
De manière emblématique, les commissions de vie scolaire n’intègrent pas les
parents alors même qu’il s’agit de réfléchir au comportement perturbateur d’un
élève.
Les commissions de vie scolaire permettent aux membres d’une équipe
pédagogique ou éducative d’examiner ensemble la situation d’un élève dont le
comportement est inadapté aux règles de vie dans l’établissement. Devant cette
commission, l’élève perturbateur entendra les reproches qui lui sont faits et devra
expliquer son attitude. La finalité de cette procédure est d’amener l’élève à prendre
conscience des conséquences de son comportement et à appréhender positivement
le sens des règles qui régissent le fonctionnement de la vie sociale dans
l’établissement.
La commission de vie scolaire ne doit pas être assimilée par l’élève à un conseil
de discipline, auquel elle ne se substitue en aucun cas. Elle ne peut prononcer en
effet aucune sanction.
Source : Ministère de l’Education Nationale
La mission considère qu’il faut trouver les moyens de mieux conjuguer
sanctuarisation de l’école et responsabilisation des parents dans la vie scolaire de
leur enfant. Ces deux objectifs sont en effet indissociables.
22
1°) Mieux impliquer les parents dans la scolarisation de leur enfant
Déjà, les classes-relais fournissent un modèle prometteur. Dans ces structures
qui accueillent, avec l’accord des parents, des élèves entrés en rupture avec
l’institution scolaire, rien ne se fait sans les parents qui participent de la
remobilisation de leurs enfants en déshérence.
Les parents défaillants ou qui ne répondent pas à un rendez-vous peuvent se
voir convoquer, le cas échéant, par les services de police. Le dispositif relais
comporte une dimension de contrainte que la mission souhaite généraliser à
d’autres dispositifs visant à impliquer fortement les parents.
L’obligation scolaire doit être aussi l’obligation des parents qui doivent se
l’approprier.
Cette optique est d’ailleurs partagée par l’Education Nationale qui, depuis la
rentrée 2010, a installé dans chaque Académie un référent parents d’élèves chargé
de développer la politique de participation des parents à la vie de l’école et de veiller
à la mise en cohérence de leur action avec les dispositifs de soutien à la parentalité.
Dans cette même logique, des solutions, pour certaines faciles à mettre en
oeuvre, doivent être préconisées.
►L’inscription des enfants à l’école, au collège, puis au lycée devrait
s’accompagner d’une démarche personnelle des parents reçus par le chef
d’établissement et de réunions régulières et nominatives rythmant l’année
scolaire.
Il est vital que le suivi scolaire de l’enfant soit mieux partagé. La seule
communication par les bulletins de notes et les carnets de liaison ne saurait
constituer la seule forme d’échanges. Autant que de besoin, il faut établir un
contact oral, direct et continu qui plus est vis-à-vis de certaines familles qui ne lisent
plus leur courrier.
Dans cette optique, il conviendrait donc d’organiser différemment l’accueil en
direction des familles, trop souvent vécu comme infantilisant ou culpabilisant
(accueil en classe à la place de l’élève ou dans le cadre d’une convocation
disciplinaire ou d’un problème particulier).
Il faut créer un autre lien avec les familles, constant, pacifié et habituel entre
l’école et les parents qui n’existe pas aujourd’hui.
L’école doit prendre en compte les moeurs des parents et non plus être vécue
comme une institution extérieure à la famille, incompréhensible, hostile et
23
culpabilisante. Cette démarche procède d’une idée simple, il faut éduquer les
enfants avec les parents et non sans eux.
Eric Debarbieux, Président de l’Observatoire national de la lutte contre les
violences scolaires fait observer qu’une telle pratique existe, par exemple, au Brésil
dans les quartiers les plus difficiles et les plus exposés à la violence. Dans ces
territoires, l’école ne pose pas de problème car les parents sont dans l’école. Il
existe une prise en charge globale et collective de l’éducation, l’école étant
appréhendée comme une valeur sociale d’intérêt général et à ce titre sanctuarisée.
Même si la guerre des gangs fait rage, l’école demeure intouchable.
A cet égard, la mission se félicite que le dispositif de « La Mallette des Parents »
se généralise. Cette bonne pratique, initiée dans l’Académie de Créteil, permet de
nouer le dialogue avec les parents et en particulier avec ceux qui sont les plus
éloignés de la structure scolaire, dans une dynamique de coéducation.
Elle constitue un levier permettant d’accompagner les parents et de soutenir
leur implication, en rendant plus compréhensibles le sens et les enjeux de la
scolarité et le fonctionnement de l’institution scolaire.
- Bonne pratique
« La Mallette des Parents »
Académie de Créteil
Ce dispositif permet d’accompagner les parents et de soutenir leur implication,
en rendant plus compréhensibles le sens et les enjeux de la scolarité, le
fonctionnement de l’institution scolaire et ses attentes vis-à-vis des parents,
membres de la communauté éducative. Il contribue notamment à la prévention de
l’absentéisme. Cette expérimentation a été menée durant l’année scolaire 2008-2009
dans 37 collèges, dont 21 ZEP ou REP. Environ 5000 collégiens ont été concernés.
Elle fait partie des actions financées dans le cadre de l’appel à projets du Hautcommissariat
à la Jeunesse.
Cette action a fait l’objet d’une évaluation rendue publique en janvier 2010 qui a
confirmé les effets positifs constatés par les équipes pédagogiques : moins
d’absentéisme et meilleures notes de vie scolaire. Devant ce succès, Luc Chatel et
Marc-Philippe Daubresse ont décidé que 1300 collèges supplémentaires seront
concernés pour l’année scolaire 2010-2011.
24
2°) Mieux ouvrir l’école aux familles pour leur intégration.
Il ressort des auditions réalisées que l’analphabétisme ou l’absence de maîtrise
orale ou écrite de la langue française, qui sévit dans certaines familles, constitue un
obstacle majeur à tout suivi scolaire digne de ce nom.
L’opération « Ouvrir l’école aux parents pour réussir l’intégration » lancée en
2008-2009, conjointement par le Ministère de l’Education Nationale, le Ministère
de l’Immigration, de l’Identité Nationale et du Développement Solidaire,
opérationnelle aujourd’hui dans trente départements s’adresse à ces publics
spécifiques.
Elle repose actuellement sur le volontariat des parents et vise à familiariser les
parents avec l’institution scolaire et à leur permettre de maitriser la langue française.
Trois objectifs sont recherchés :
- L’acquisition de la maitrise de la langue française ;
- La présentation des principes de la République et de ses valeurs ;
- Une meilleure connaissance des droits et devoirs des élèves et des parents.
A l’instar du contrat d’accueil et d’intégration, mis en oeuvre par le Ministère de
l’Immigration, de l’Identité Nationale et du Développement Solidaire, afin de
subordonner l’obtention du titre de séjour à la maîtrise de la langue et des principes
républicains, la mission considère qu’il est aujourd’hui nécessaire de rendre
contraignant le dispositif précité.
Mieux maîtriser la langue française, mieux appréhender l’Ecole républicaine
constitueraient une chance pour les parents et renforceraient leur légitimité, donc
leur autorité, aux yeux de leur enfant.
Comme le remarque avec justesse Fadela Amara, Secrétaire d’Etat chargé de la
Politique de la Ville, « l’enfant qui est allé à l’école sait plus de choses que ses parents, ce qui
modifie, de fait, son statut au sein de sa famille et humilie du même coup ses parents ». Au cours
de son audition, elle préconise, sur la base du modèle suédois, la mise en oeuvre
d’un contrat d’insertion sur cinq ans, fondé sur le caractère « obligatoire » de
l’engagement des parents illettrés à une remise à niveau des bases de lecture,
d’écriture et d’apprentissage des valeurs républicaines.
Au cours de son audition, Abdelhak Eddouk, Imam à la mosquée de Grigny et
aumônier à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, constatant que « les enfants ne se
25
gênaient pas pour utiliser à leur profit et contre leurs parents ce qu’ils apprenaient à l’école sur les
droits et les devoirs, et sur les valeurs de la France », a également souligné « la nécessité de
procéder à un travail de communication auprès des parents ».
Corollairement, la mission préconise une meilleure formation des personnels de
l’éducation nationale à la connaissance des fonctionnements familiaux d’origine
étrangère.
Il est nécessaire que ces personnels appréhendent mieux les conduites
parentales spécifiques afin de pouvoir les faire évoluer. Un exercice de décryptage
de ces systèmes familiaux s’impose. Il requiert une formation spécifique des
personnels d’encadrement de l’éducation nationale et notamment des chefs
d’établissements, plus particulièrement en primaire et au collège.
Ces connaissances et aptitudes à traiter avec des populations d’origine étrangère
doivent être intégrées dans la formation initiale des chefs d’établissements. Elles
doivent être reprises en formation continue obligatoire et développées en fonction
des spécificités propres à chaque établissement.
Rendre obligatoire la participation des parents signalés à une mise à
niveau linguistique et républicaine (proposition n°3).
III- Pour une nouvelle économie de la sanction parentale
Toute politique de prévention de la délinquance juvénile n’a de sens que si des
sanctions accompagnent systématiquement la mise en échec volontaire des mesures
prononcées pour l’accompagnement des familles.
La pénalisation de l’irresponsabilité parentale est le pendant de l’aide et du
soutien apportés à ces responsabilités.
La sanction doit être appréciée non seulement comme une menace, mais aussi
comme un levier de la responsabilité parentale et des obligations qui y sont liées.
Cette nouvelle politique que la mission appelle de ses voeux doit mobiliser tous
les acteurs ayant à connaître des défaillances de l’autorité parentale. De l’échelon
local à l’échelon national, en passant par les départements, une pédagogie des
sanctions applicables doit être mise en oeuvre.
26
A - Conforter le maire dans la chaîne des sanctions
La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a fait du maire
le chef de file de cette politique. Pour autant, elle n’a pas clarifié sa position et ne lui
a pas donné les moyens de mettre en oeuvre les dispositifs d’accompagnement des
familles qu’elle lui a confiés.
Devant la mission, Pierre Cardo, ancien maire de Chanteloup-les-Vignes (78),
Philippe Houillon, député-maire de Pontoise (95) et Louis Nègre, sénateur-maire
de Cagnes-sur-Mer (06) ont souligné l’importance du rôle du maire, notamment
auprès des plus jeunes.
Il existe dans les quartiers les plus difficiles ce besoin d’un lien oral avec l’édile,
élu de proximité, nécessaire pour nouer ou renouer un contact sans lequel la
socialisation se construit souvent contre tous.
Le maire, dont la première des missions de police administrative est d’assurer la
tranquillité publique, est un démineur de situations, centré sur le contact, le
dialogue, la médiation et la résolution des conflits.
Ni maire « sheriff », ni maire mué en travailleur social, ses compétences
méritent aujourd’hui d’être clarifiées. Nombre de maires ont l’impression que l’Etat
voudrait leur confier des compétences qui ne sont pas les leurs sans allouer les
moyens budgétaires appropriés.
A cet égard, la mission recommande de distinguer clairement les missions qui
relèvent de l’Etat et celles qui échoient aux maires. A ce titre, elle préconise de :
1°) Développer les mesures de rappel à l’ordre
Ces procédures permettent aux maires de convoquer les mineurs et leurs
représentants légaux pour leur rappeler les termes de la loi. Elles sont prévues par
l’article 11 de la loi du 5 mars 2007 « lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au
bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publique, le maire ou son représentant désigné
peut procéder à l’endroit de leur auteur au rappel des dispositions qui s’imposent à celui-ci pour se
conformer à l’ordre et à la tranquillité publiques, le cas échéant en les convoquant en mairie. Le
rappel à l’ordre d’un mineur intervient sauf impossibilité en présence de ses parents, de ses
représentants légaux ou d’une personne exerçant une responsabilité éducative à l’égard de ce
mineur ».
Ce dispositif permet au maire d’adresser aux mineurs et à leur famille des
injonctions verbales en vertu de ses pouvoirs de police.
27
Ces procédures devraient être développées en lien avec les parquets pour
délimiter le champ du rappel à l’ordre, en cohérence avec les prérogatives de
l’autorité judiciaire.
La mission propose de concevoir leur utilisation dans le cadre d’une alternative
aux poursuites ou d’un classement sous condition ordonné par le parquet, ce qui
permettrait de les inscrire dans le champ des réponses à apporter aux premiers actes
de délinquance. A cet égard, elle se réjouit que le développement de cette mesure,
sous la forme d’une contractualisation entre maire et procureur, ait été préconisé
par le Premier Ministre lors de la présentation, le 2 octobre 2009, du Plan national
de prévention de la délinquance.
2°) Donner une plus forte visibilité aux Conseils pour les droits et devoirs
des familles (CDDF)
La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a institué un
outil original de proximité d’aide à la parentalité qu’il convient aujourd’hui de
renforcer afin de faire du CDDF un point d’ancrage local d’une politique de
prévention définie nationalement. Toutefois au regard de sa constitution qui reste
facultative, il n’en existe aujourd’hui seulement qu’une quarantaine.
Ces instances municipales permettent pourtant :
- d’entendre une famille pour l’informer de sa situation, de ses droits et
devoirs envers l’enfant ;
- d’examiner les mesures d’aide à l’exercice de la fonction parentale
susceptibles de lui être proposées.
Lorsque l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publique sont menacés en raison
d’un défaut de surveillance ou d’assiduité scolaire d’un mineur, le maire propose
aux parents du mineur concerné un accompagnement parental.
L’intérêt majeur d’un tel dispositif de soutien à la parentalité réside dans la
réponse souple et graduée adressée aux familles :
- simple rappel des droits et devoirs des parents ;
- proposition d’accompagnement ;
- saisine du Conseil général pour la mise en place d’un dispositif plus
contraignant allant jusqu’à la suppression des allocations familiales ;
- saisine du juge des enfants en cas de danger pour l’enfant.
28
Plusieurs témoins auditionnés par la mission ont mis en lumière le caractère
innovant et efficace de ce dispositif. Ainsi, Brice Hortefeux, Ministre de l’Intérieur,
de l’Outre-mer et des collectivités territoriales, Nadine Morano, Secrétaire d’Etat
chargé de la Famille et de la Solidarité, Brigitte Barèges, député-maire de
Montauban, et Jacques-Alain Benisti, député-maire de Villiers-sur-Marne, Florent
Montillot, adjoint au Maire d’Orléans, en ont appelé à sa généralisation au regard
des succès rencontrés.
- Bonne pratique
Deux exemples de CDDF
1) Ville de Fontenay le Fleury (78)
Le CDDF a été créé à la suite d’un diagnostic intercommunal, réalisé en
partenariat avec le Conseil général. Ce diagnostic mettait en avant les carences en
matière éducative et de responsabilité parentale de certaines familles.
Le conseil est composé du maire, du bailleur social de la commune, d’un
représentant de l’éducation nationale, du commissaire de police et d’un
représentant du Conseil général.
L’information donnée au CDDF remonte par le coordonnateur du CLSPD qui
la reçoit des bailleurs sociaux, des principaux de collège, des directeurs d’écoles…
Avant toute saisine, le coordonnateur procède à une évaluation sociale de la
situation et des acteurs à mobiliser ; il établit pour ce faire un rapport ensuite
présenté aux membres du CDDF et aux élus lors d’une réunion préparatoire.
Si la famille se trouve devant une difficulté ponctuelle (financière, éducative,
sociale ou culturelle) la convocation devant le CDDF n’est pas obligatoire. Une
évaluation de la situation suivie d’une rencontre avec les parents et d’un projet
d’accompagnement peuvent être suffisantes.
Le Conseil est mis en action en cas d’urgence ou quand l’accompagnement ne
recueille pas l’adhésion des parents.
Les parents sont alors convoqués par la police municipale. La réunion du
Conseil s’ouvre par un rappel des obligations parentales et des conséquences, y
compris pénales, auxquelles ils s’exposent, en cas de mise en échec de la procédure
d’accompagnement.
29
Dans un second temps, un diagnostic des difficultés rencontrées est établi avec
les parents. Un protocole d’accord contenant les missions d’éducation que les
parents s’engagent à remplir est signé par ces derniers, lesquels se voient apporter
en contrepartie une aide (cours d’alphabétisation, soutien scolaire, place en crèche
provisoire…). A l’issue d’un délai de trois mois, les parents sont à nouveau
convoqués pour un bilan, écrit, acté et signé. En cas d’échec, le Conseil saisit le
Président du Conseil général.
En dernier recours, dès lors que chaque étape de la procédure a été conduite
sans succès, le dossier contenant le projet d’accompagnement est transmis au
procureur de la République, lui permettant de caractériser les manquements des
familles pour d’éventuelles poursuites pénales.
2/ Ville de Montauban (82)
Brigitte Barèges, député-maire, a fait le choix d’un conseil limité dans ses
membres, pour permettre un vrai dialogue avec la famille et l’enfant concerné.
Le CDDF est composé de 11 personnes :
- 7 élus : 6 appartiennent à la majorité. Il y a donc le maire qui préside, avec son
écharpe pour que cela soit plus solennel, et 5 de ses adjoints (dans les domaines de
sécurité, éducation, jeunesse, parentalité, social et politique de la ville). Le dernier
élu appartient à l’opposition municipale sur la base du volontariat.
- 4 techniciens : le directeur de la police municipale, le directeur général des
services, le directeur adjoint du pôle solidarité et le directeur du CCAS. On pense
élargir l’expertise en demandant au directeur de l’Union Départementale des
Associations Familiales (UDAF) de se joindre au conseil sans participer au débat.
Le public ciblé est celui de mineurs qui n’ont pas respecté certaines règles. A
titre d’exemple, les deux premières séances concernaient des jeunes qui avaient été
arrêtés pour ne pas avoir respecté l’arrêté d’interdiction de circulation des mineurs
de moins de 14 ans non accompagnés par un adulte à partir de 22 heures. Dans
d’autres cas, nous avons eu affaire à des jeunes qui se baignaient dans la piscine
municipale à 2 heures du matin, ou qui avaient insulté un agent dans l’exercice de
ses fonctions. Depuis 2009, le CDDF a concerné 16 jeunes de 12 à 15 ans, dont 11
garçons.
La saisine du CDDF est effectuée par la police municipale, son travail
permettant de faire remonter les informations. Celle-ci est en capacité de détecter
certains comportements et peut saisir le CDDF lorsqu’elle voit des incivilités
commises par les jeunes comme des chahuts ou des tags. Ce ne sont que des
30
incivilités, ou des “premières bêtises”, ces enfants ne peuvent pas être considérés
comme des délinquants. Ces mineurs ne sont ni en situation de délit, ni d’infraction.
Le CDDF ne remplace pas la justice. Ce n’est ni un tribunal ni une juridiction.
Concernant la convocation, la police municipale se déplace au domicile des
parents, leur explique précisément de quoi il s’agit et leur remet la convocation
officielle en main propre. Jusqu’à présent toutes les familles sont venues. Il est
nécessaire que les deux parents soient présents. On n’accepte pas que la mère
vienne seule, elle doit être accompagnée du père de l’enfant même s’ils sont
divorcés.
Avant la tenue du CDDF, en amont, le Conseil Général est saisi par écrit pour
savoir s’il existe une mesure en place. Il sera aussi consulté en aval. S’il existe un
problème qui dépasse la fonction du CDDF, le juge des enfants peut être saisi afin
que ce soit lui qui propose une solution éducative ou pénale. Il n’y a bien
évidemment pas d’interférence avec la justice. Quand une procédure judiciaire est
ouverte, le CDDF ne peut être saisi.
Le CDDF siège dans la salle du conseil municipal. La solennité est absolument
nécessaire afin de donner un certain poids à la démarche. Ceci vient peut être de
mes habitudes d’ancienne avocate. Le conseil est réuni tard le soir, avec l’enfant et
les parents et les membres du conseil. Quelqu’un rappelle les faits. On demande sa
version à l’enfant. Puis il y a un échange informel avec les parents. Les parents
n’étaient d’ailleurs pas forcément au courant des faits. Cela leur permet de découvrir
ce qui se passe, le comportement de leur enfant. On s’intéresse particulièrement à
l’enfant et à son parcours scolaire.
Selon les cas, un travail est réalisé sur l’autorité parentale en rappelant les droits
et les devoirs des parents. Ceci n’est pas toujours possible. Il arrive parfois que des
parents viennent avec un interprète ou ne parlent pas assez bien le français.
D’autres fois, c’est le rôle des parents qui doit être expliqué, car on constate que le
père est absent et que la mère, complètement débordée, laisse tout faire. Ceci est au
coeur du problème éducatif. Ainsi, l’autorité du père doit parfois être réaffirmée, et
on essaie d’épauler la mère.
Concernant la solution, nous nous adaptons selon les situations. Nous, gardiens
de la sécurité publique, parlons des risques des comportements invoqués, de la
raison pour laquelle ils sont présents autour de la table. Pour les enfants, on essaie
selon les cas de les occuper pour qu’ils ne trainent pas dans la rue, et de les aider
scolairement, en leur trouvant des dispositifs appropriés comme les Programmes
Réussite Educative. Ainsi, à l’issue du CDDF, celui-ci peut saisir le Conseil général
afin d’obtenir une aide éducative. Pour les parents, on étudie aussi leurs besoins de
logement ou de travail, plutôt que de chercher tout de suite une aide financière qui
ne pourra être que ponctuelle.
31
A la fin de la séance, un contrat d’engagement, écrit à la main, est signé. Dans
cet écrit, l’enfant reconnaît les faits et s’engage à certaines choses, comme à réparer
le préjudice causé s’il y en a un. Par exemple, les enfants qui avaient insulté l’agent
ont dû lui faire des excuses publiques, participer à une action citoyenne et enfin
écrire une rédaction sur “comment puis-je faire pour participer au mieux vivre
ensemble en tant qu’adolescent ?”. Il peut aussi y avoir une contravention de
première classe à payer par le mineur. Le contrat est co-signé par tout le monde : le
maire, l’enfant, les parents.
Concernant le suivi, le procès verbal du CDDF est renvoyé en copie au Conseil
Général afin que cela soit inscrit en complément dans le dossier de la famille. Un
référent est alors attribué aux familles. C’est un mélange entre le rappel à l’ordre et
l’aide à la cohésion sociale.
Généraliser les CDDF dans toutes les communes de plus de 10.000
habitants (Proposition n°4).
B - Redonner un nouvel élan au Contrat de Responsabilité
Parentale
Il est dommageable que ce dispositif novateur ait été caricaturé par ses
contradicteurs qui l’ont réduit, souvent pour des raisons partisanes, à une
mécanique froide de suspension des allocations familiales.
Institué par la loi sur l’égalité des chances du 31 mars 2006 il est d’une durée de
6 mois renouvelables (durée maximale d’un an).
Ce contrat est proposé par le Président du Conseil général aux parents ou au
représentant légal du mineur, qui disposent d’un délai de quinze jours pour donner
leur accord. Il est proposé :
- Soit de la propre initiative du Conseil général ;
- Consécutivement à la saisine du Conseil général par l’Inspection Académique
pour des situations d’absentéisme ;
- Consécutivement à la saisine du Conseil général par le chef d’établissement
pour des troubles causés au sein de l’établissement ;
- Consécutivement à la saisine du Conseil général par le Préfet, le Maire,
l’Inspecteur d’Académie, le chef d’établissement ou l’organisme débiteur des
prestations familiales pour toute difficulté liée à une carence de l’autorité parentale.
32
Le contenu du contrat énonce les motifs de sa mise en place, il rappelle les
obligations légales, l’engagement des parents, il formule des mesures d’aide et
d’action sociale. Il fixe une durée et des modalités de réexamen de la situation et
rappelle les sanctions encourues.
Sanctions prévues en cas de non-signature du contrat ou du non-respect de ses
obligations :
- Sur procédure engagée par le Conseil général suspension (et non mise sous
tutelle) de tout ou partie des prestations familiales afférentes au mineur en question
(articles L 222-4-1 du CASF et L 552-3 du corde de la Sécurité Sociale).
- Mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial sur saisine du juge des
enfants.
Force est de constater que ces dispositions sont très inégalement appliquées par
les Conseils généraux au motif que la suspension des allocations familiales porterait
préjudice à l’ensemble de la famille et en particulier au mineur.
La mission constate pourtant que plusieurs des personnalités auditionnées ont
déploré le faible recours à cet instrument alors qu’il apparaît à l’usage comme
extrêmement performant.
Ainsi Eric Ciotti, Président du Conseil général des Alpes-Maritimes, a fait valoir
lors de son audition que la simple menace de la sanction avait un effet dissuasif.
Ainsi sur les 145 contrats signés en région PACA, la procédure de suspension des
allocations familiales n’a jamais été menée à son terme ; les difficultés se résorbant
d’elles mêmes.
Devant la nécessité de solidifier ce dispositif et de surmonter les résistances
constatées, la mission recommande d’intégrer audit contrat l’exécution d’un stage
parental au titre des obligations imposées aux familles.
Généraliser le Contrat de Responsabilité Parentale (Proposition n°5).
C - Créer les conditions d’une politique pénale des manquements
volontaires à l’exercice de l’autorité parentale
L’ensemble des partenaires et professionnels constatent que les sanctions
prévues par la loi sont aujourd’hui peu appliquées et notamment sur le plan pénal.
Devant les situations rapportées à la mission, il est aujourd’hui nécessaire de mettre
en application une politique pénale des manquements volontaires à l’exercice de
l’autorité parentale placée sous l’autorité des parquets.
33
1°) Le cadre légal actuellement en vigueur
L’article 227-15 du code pénal incrimine la privation d’aliments et de soins
susceptible de compromettre la santé d’un mineur :
« Le fait par un ascendant ou toute autre personne exerçant l’autorité parentale ou ayant
autorité sur un mineur de 15 ans, de priver celui-ci d’aliments ou de soins au point de
compromettre sa santé est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende ».
L’article 227-17 du même code punit de deux ans d’emprisonnement et de
30.000 euros d’amende « le fait pour le père ou la mère de se soustraire, sans motif légitime, à
ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de
son enfant mineur ».
Ces dispositions constituent le pendant de l’article 375 du code civil. Il dispose
que la santé, la sécurité, la moralité sont les composantes de l’exercice normal de
l’autorité parentale, dont la défaillance, constitutive du danger, justifie l’intervention
éducative sociale ou/et judiciaire.
L’article 227-17-1 du code pénal poursuit la caractérisation du manquement en
permettant d’incriminer spécifiquement et de condamner à 6 mois
d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende « le fait, par les parents d’un enfant ou
toute personne exerçant à son égard l’autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue,
de ne pas l’inscrire dans un établissement d’enseignement, sans excuse valable, en dépit d’une mise
en demeure de l’inspecteur d’académie ».
Cet article permet de lutter plus efficacement contre l’absentéisme et le
décrochage scolaire, et de renforcer le respect par les parents de l’obligation
scolaire.
2°) Un constat sans appel : des poursuites trop peu nombreuses
L’application de l’article 227-17 du Code Pénal n’est pas aisée. La mission a pu
le constater à la lecture des condamnations prononcées à titre principal sur ce
fondement par les juridictions correctionnelles depuis 2005 (source DACG).
2005 20
2006 21
2007 17
2008 12
2009 16
34
A l’identique, l’article 227-17-1 du Code Pénal fait l’objet de condamnations de
l’ordre du résiduel :
2005 5
2006 5
2007 3
2008 3
2009 7
Des auditions réalisées, il apparait que, sauf cas de délaissement grave et
parfaitement caractérisé, les parquets traitent ces questions selon trois moyens :
- la voie civile et notamment par la saisine du juge des enfants en assistance
éducative ou pour la mise en place d’une tutelle aux prestations familiales ;
- la voie pénale en utilisant les alternatives aux poursuites ;
- la saisine d’un tribunal correctionnel devant lequel la caractérisation de
l’infraction est rendue difficile par deux réserves contenues dans les textes
(l’absence de motif légitime ou d’excuse valable mentionnée dans les
dispositifs des articles 227-17 et 227-17-1). Dès lors, ces infractions sont très
débattues à l’audience et sont diluées dans un contexte faisant apparaitre des
carences massives de tous ordres. Les relaxes sont alors fréquentes et
dangereuses car elles relégitiment les parents défaillants et les privent d’une
prise de conscience salutaire.
Faciliter le recours aux poursuites pénales pour les parents défaillants en
abrogeant les notions « de motif légitime » ou « d’excuse valable » prévues
par les articles 227-17 et 227-17-1 du Code Pénal (Proposition n°6).
35
Partie 2 : Restaurer la citoyenneté
La citoyenneté, c’est-à-dire l’appartenance et l’adhésion aux valeurs d’une
communauté nationale qui transcende les particularismes, se construit dans le
creuset républicain incarné par l’école.
Si l’institution scolaire constitue le point de passage obligé du privé au public,
de la famille à la société, pour autant cette transition ne se déroule pas sans
difficulté. Parfois se créent des fractures invisibles, qui, plus tard, généreront des
passages à l’acte contre la famille, le monde des adultes, l’école puis toutes les
formes d’autorité.
Comme l’a justement expliqué le professeur Marcel RUFO au cours de son
audition : « ces omissions de souffrance nées de transitions mal gérées, de l’école maternelle au
primaire, puis et surtout du primaire au collège, vont tout au long du parcours qui mène à l’âge
d’homme obérer l’acquisition de la citoyenneté ».
Restaurer la citoyenneté, c’est assurer cette transition dont l’école est le maillon
indispensable, avec évidemment pour objectif d’éviter chez les élèves une
construction identitaire fondée sur le rejet de l’autorité et la rupture avec la loi
commune.
Pour relever ce défi, la mission préconise que l’action de l’Etat se concentre
autour de trois problématiques majeures :
- Lutter contre l’absentéisme et le décrochage scolaires ;
- Accentuer la lutte contre les violences scolaires ;
- Réintroduire le travail social à l’école.
Pour autant, la reconquête de la citoyenneté passe aussi par la prise en compte,
souvent délicate, des phénomènes de communautarisme. Une attention spécifique
et ordonnée doit être portée à ces situations susceptibles de retarder ou
d’empêcher, parfois de manière irréversible, l’accès à la citoyenneté. A cet égard, la
mission souligne l’importance du rapport du Haut Conseil de l’Intégration (HCI)
qui constate que l’école républicaine, rempart fondamental à la communautarisation
de la société n’arrive plus, sur de nombreux territoires, à jouer son rôle. Comment
pourrait-elle le faire alors que « certaines classes primaires et de collèges sont entièrement
composées d’élèves d’origine étrangère, partageant la même confession » ?
36
I- Garantir l’accès à la citoyenneté par l’école
La mission est convaincue que la prévention de la délinquance des jeunes passe
par une école qui les fait réussir et qui valorise l’élève à la mesure de ses talents.
Cependant, la mission a pu constater le décalage entre cet idéal et la réalité des
choses.
Face à l’absentéisme scolaire, l’Etat se trouve engagé dans une lutte de chaque
instant d’autant plus complexe à mener qu’elle est souvent obscurcie par des idées
reçues. Ainsi, Eric Debarbieux, directeur de l’Observatoire européen de la violence
scolaire, rappelle que 20 à 25% des absentéistes le sont parce qu’ils ont peur de la
violence dont ils sont victimes et en aucun cas pour des raisons liées à une
quelconque insuffisance familiale.
Garantir l’accès à la citoyenneté par l’école requiert donc un combat centré sur
l’absentéisme et le décrochage scolaires mais aussi sur les violences et le
harcèlement dont les élèves peuvent être les victimes.
A - Mieux lutter contre l’absentéisme et le décrochage scolaire
1°) Un constat de forte mobilisation du Ministère de l’Education
Nationale
L’absentéisme atteint aujourd’hui 30% des élèves dans 1 établissement sur
10. S’il s’avère moins grave que le décrochage scolaire, il constitue un symptôme de
désintérêt et de désinvestissement de l’école de la part des élèves, voire de ses
parents. Il est souvent le signe annonciateur de mauvais résultats scolaires, voire
d’une dérive conduisant le passage du mineur de l’absentéisme vers le décrochage.
Environ 60.000 jeunes sortent chaque année du système scolaire. Le rapport
des corps d’Inspections Générales du Ministère de la Justice concernant les
Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs fait apparaitre que l’ensemble des
détenus rencontrés dans ces établissements sont tous des exclus du système
scolaire. Même si le décrochage ne conduit pas nécessairement à un parcours de
délinquance, force est de constater que ces deux phénomènes se recoupent.
De la même façon, dans son rapport sénatorial intitulé « La République en
quête de respect » et dédié à la délinquance des mineurs, Jean-Pierre Schosteck,
Sénateur des Hauts-de-Seine affirmait en 2002 : « Précurseur ou générateur de
délinquance, il est impossible d’affirmer que l’échec scolaire, pas plus que les difficultés familiales,
fabrique à lui seul de la délinquance.
37
Pour autant, plusieurs indicateurs mettent en évidence le rôle qu’il joue dans le basculement.
En effet, si tous les jeunes en échec scolaire ne sont pas des délinquants, une immense majorité de
ces derniers n’a pas réussi à l’école ».
Au fil de ses auditions, la mission a pris la mesure de la mobilisation, impulsée
par le Président de la République, du Ministère de l’Education Nationale, consacrée
par plusieurs dispositifs particulièrement innovants qu’il convient de systématiser.
• Les dispositifs relais
Ainsi, les dispositifs relais, créés en 1998, et les ateliers relais, ouverts depuis
2002, accueillent temporairement des élèves, en voie de déscolarisation et de
désocialisation, qui ont déjà bénéficié de toutes les possibilités de prise en charge
prévues par les dispositifs d’aide et de soutien qui existent au collège.
Depuis 2007, ont été développés des modules relais, structures plus légères
mises en place dans les établissements.
En 2009-2010, on compte ainsi 449 dispositifs relais (305 classes et 144
ateliers). Par ailleurs, 149 modules relais existent dans 8 académies.
L’affectation en dispositif relais intervient après l’accord du jeune et de sa
famille pour obtenir un véritable engagement dans la démarche. L’objectif des
dispositifs relais est de réinsérer les jeunes dans un parcours de formation générale,
technologique ou professionnelle.
A la sortie du dispositif relais, 64% des élèves de classe relais et 81% des élèves
d’atelier relais retournent en collège, 3% d’entre eux partent dans la vie active.
• Les micro-lycées
Ce sont des structures expérimentales qui s’insèrent dans le dispositif dit de la
deuxième chance. Ils constituent une solution appropriée pour les élèves
décrocheurs en mesure de reprendre des études générales, après quelques semaines,
voire quelques années d’interruption de scolarité.
Chaque micro-lycée accueille entre 80 et 100 élèves volontaires, aux parcours
complexes, sans solution de scolarité.
Comme pour d’autres lycées expérimentaux, le travail des équipes repose sur un
fonctionnement collégial, la polyvalence et la formation continue.
Depuis 2000, trois micro-lycées ont été créés au sein de l’Académie de Créteil,
soit un par département.
38
A l’instar de cette expérimentation, une dizaine d’autres établissements
implantés dans six autres Académies (Aix-Marseille, Caen, Grenoble, Nantes, Paris,
Poitiers) s’inscrivent dans la même finalité de « raccrochage ».
• Les Etablissements de Réinsertion Scolaire (ERS)
Ils proposent à des élèves perturbateurs de 13 à 16 ans, ayant fait l’objet de
multiples exclusions mais ne relevant ni de l’éducation spécialisée, ni d’un
placement dans le cadre pénal, de bénéficier d’une prise en charge d’au moins un
an.
Cette scolarisation adaptée vise à les réinsérer dans un parcours de formation
générale, technologique ou professionnelle.
Ces structures légères, capables d’accueillir 20 à 30 élèves, favorisent la prise de
conscience de ces jeunes quant à l’importance du respect des règles de la vie sociale
et scolaire. Elles permettent également au jeune de définir un projet d’orientation
afin de le réinsérer dans un parcours de formation générale, technologique ou
professionnelle.
Les équipes d’encadrement sont constituées de personnels de l’éducation
nationale, d’éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), d’intervenants
associatifs, de volontaires du service civique ou de personnels dépendant d’autres
organismes.
L’objectif actuel est d’atteindre l’ouverture d’une vingtaine d’ERS alors que
onze projets sont d’ores et déjà identifiés pour 2010-2011.
• La réinsertion des jeunes sortis du système scolaire sans diplôme
Sous l’impulsion du plan « Agir pour la jeunesse », présenté par le Président de
la République en septembre 2009, la loi du 24 novembre 2009 relative à
l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, a introduit dans
le Code de l’éducation nationale une nouvelle obligation faite aux acteurs de la
formation initiale, en direction des jeunes (élèves ou apprentis) sortant sans
diplôme du système de formation initiale. Cette disposition vise à leur apporter sans
délai des solutions de formation, d’accompagnement ou d’accès à l’emploi.
Sont concernés les jeunes qui ne sont plus inscrits dans un cycle de formation
diplômant (qui sont sortis sans le diplôme qu’ils visaient).
La loi prévoit que, dans chaque département, le dispositif soit mis en oeuvre et
coordonné sous l’autorité du représentant de l’État.
39
Les échanges d’informations s’effectueront à un niveau national entre les listes
localement disponibles permettant ainsi d’identifier les jeunes qui ne sont plus
inscrits en formation initiale et qui ne sont pas suivis par une mission locale.
L’implication du Secrétariat d’Etat chargé de l’Emploi constitue un gage de réussite
de ce dispositif.
Comme l’ont rappelé à la mission Luc Chatel et Laurent Wauquiez, la mise en
oeuvre juridique et technique de ce dispositif est actuellement en cours d’examen
devant la CNIL.
2°) Des dispositifs opérationnels et partenariaux de proximité qui
mériteraient d’être systématisés.
Les collectivités territoriales se sont, depuis plusieurs années, fortement
investies dans la lutte contre le décrochage scolaire. Plusieurs dispositifs efficaces
ont ainsi été mis en place pour prendre en charge tant l’exclusion temporaire que
définitive. La mission a notamment pu apprécier, grâce aux auditions de Jean-
François Copé et d’Hibat Tabib, les projets mis en oeuvre avec succès par les
communes de Meaux (77) et de Pierrefitte-sur-Seine (93).
- Bonnes pratiques
1/ Le fil continu
Association pour la Formation, la Prévention et l’Accès au Droit (AFPAD) de
Pierrefitte-sur-Seine (93)
Ce projet, qui constitue la seconde étape d’un dispositif intitulé « les enfants
décrocheurs », a vocation à répondre aux problématiques d’insécurité qui se posent
à la fois dans et hors des collèges de la ville. L’action vise à renforcer la protection
des collégiens, à travers la prise en charge d’adolescents se signalant par des
comportements violents. Les collèges, les parents d’élèves, le Service Jeunesse de la
commune, la prévention spécialisée et le centre social constituent le socle efficace
de ce partenariat.
Cette bonne pratique est ciblée sur les enfants exclus de l’un des trois collèges
de la ville. Après accord du jeune et de ses parents, il est proposé un programme
d’actions individuelles ou collectives ayant pour but la réappropriation des règles de
comportement au collège et sur l’espace public. L’ensemble du travail est centré sur
« l’accroche » du jeune et sur une explicitation de la sanction et de son sens ; des
contacts avec les bailleurs sociaux ou des policiers sont organisés dans le cadre de
l’expérience pour redonner aux intéressés une autre image de la loi et d’eux-mêmes.
En 2010, cette structure a accueilli 154 élèves.
40
Cette action a été nominée dans le cadre du Prix Français de Prévention de la
Délinquance 2008.
2/ Le « Dispositif de Poursuite de Scolarisation- le DPS »
Collège Henri Dunant et Ville de Meaux
La mise en place du DPS est la conséquence de l’augmentation à 56 du nombre
d’exclusions définitives prononcées par les collèges meldois au cours de l’année
scolaire 2006-2007 contre 26 l’année scolaire précédente.
Ce dispositif est au carrefour des différentes interventions déjà effectuées
autour d’un élève. Souvent, en effet, les familles éprouvent une difficulté à
comprendre le sens des différentes actions conduites. Ce dispositif s’efforce de
donner une cohérence à l’accompagnement global.
Tous les intervenants du DPS, éducation nationale, PJJ, psychologues, référent
de l’équipe de réussite éducative, échangent entre eux des informations
nominatives, dans le respect du secret professionnel et dans un but uniquement
opérationnel, à savoir la rescolarisation des jeunes dans un nouvel établissement.
Les parents sont associés à la démarche et l’équipe reste en permanence en
contact avec eux pour revenir sur le conseil de discipline, évoquer les progrès de
leur enfant ou préparer l’admission dans un nouvel établissement.
L’objectif est de lever chez le mineur les mécanismes défensifs qui détruisent sa
scolarité et l’empêche d’être membre à part entière d’un groupe scolaire.
Le travail accompli repose d’abord sur la confiance de l’élève. Il ne s’agit pas
tant et d’abord d’un rattrapage de connaissances que d’un travail sur le groupe.
Ainsi que l’explique Siham Kabous, le psychologue du dispositif « au collège, il
faut choisir son groupe : celui des bouffons à savoir les bons élèves ou celui qui
intègre le plus facilement, les perturbateurs. Leur identité est celle du mauvais élève.
Quoiqu’ils fassent, ils ont l’impression qu’on ne reconnait que cela en eux, donc ils
développent une capacité à provoquer le rejet. »
Au sein du dispositif, le petit groupe permet une autre gestion des émotions, de
lever les mécanismes défensifs.
De même une psychologue clinicienne propose aux élèves des ateliers de
groupe trois fois par semaine ; il s’agit de libérer la parole sur la violence, la
sexualité, l’estime de soi, l’école, avec une règle qui encadre les échanges, le respect
et l’absence de jugement. A chaque séance, le lien est établi avec la classe, son
fonctionnement, la place de l’élève dans le groupe. Le règlement intérieur de
41
l’établissement, les devoirs des parents, l’autorité parentale sont des sujets qui
permettent de présenter la loi comme une protection et non exclusivement comme
une sanction.
Cette prise en charge est obligatoire pour l’élève exclu dans les deux jours
ouvrables de son exclusion jusqu’à sa réaffectation effective. Ce dispositif repose
sur l’engagement des Ministères de l’Education Nationale et de la Justice qui
fournissent des personnels spécialisés, une dotation informatique et des
interventions des Délégués du Procureur. La Ville de Meaux s’engage à la mise à
disposition des locaux et assure la prise en charge des frais de fonctionnement. Le
dispositif prévoit aussi une association active du Conseil général dans la mesure où
les élèves sont déjà pris en charge.
Le projet individuel établi comprend quatre temps :
1) réflexion sur le ou les actes commis ;
2) travail sur les potentialités de l’élève ;
3) travail sur les apprentissages scolaires et la remise en confiance ;
4) préparation à la rescolarisation et suivi du jeune dans le nouvel établissement.
Au total, 73 jeunes ont été accueillis dans le DPS, dont 40 depuis la rentrée
2009. Le coût de fonctionnement est de 142.000 euros par an, dont 127.000 euros
supportés par l’éducation nationale.
Parallèlement, ont été développés des modules-relais pour prendre en charge les
élèves faisant l’objet de mesures d’exclusion temporaire. Le prix français de
prévention de la délinquance est venu récompenser en 2009 ce dispositif
d’excellence.
Ce type de prise en charge alternative d’élèves en voie de rupture apporte des
réponses complémentaires aux dispositifs propres à l’Education Nationale, qui
visent des prises en charge plus longues dans des situations où la rupture avec la
scolarité est déjà patente.
La mission constate que ces dispositifs alternatifs présentent un intérêt majeur.
Ils permettent, en effet, de mettre en place une politique de prévention très en
amont tant en direction des exclusions temporaires que définitives afin que ce
temps ne soit pas encore plus propice au désoeuvrement, au décrochage scolaire et
à la transgression des règles. La création dans chaque département, sur la base d’un
partenariat entre l’Inspecteur d’Académie, le procureur de la République, les
collectivités territoriales volontaires et le monde associatif, d’un dispositif de prise
en charge des élèves exclus pourrait renforcer le dispositif existant.
42
B - Pour la réintroduction du travail sanitaire et social à l’école
En cohérence avec plusieurs autres personnalités auditionnées, Jean-Pierre
Rosenczveig, vice-président au tribunal de grande instance de Bobigny, rappelle que
« l’école est le lieu de repérage le plus en amont possible des enfants en difficulté. Dès 3 ans, la
quasi-totalité d’entre eux se retrouvent à l’école qui est le lieu idéal pour repérer les élèves en
difficulté et mobiliser l’aide qui leur est nécessaire tant pour eux que pour leurs parents ».
La présence des travailleurs sociaux dans les établissements scolaires est une
nécessité. Les enseignants ne sont pas des assistantes sociales et se refusent, à juste
titre, à le devenir.
Il faut, dès lors, considérer l’école comme la passerelle privilégiée entre la
protection de l’enfance et la prévention de la délinquance. La mission estime qu’il
s’agit là d’un enjeu de politique majeure tant au niveau local que national.
Force est de constater, aux dires mêmes de tous les professionnels impliqués,
que les deux lois du 5 mars 2007 ne sont pas parvenues encore à créer ce lien.
La mission est convaincue qu’il est aujourd’hui nécessaire que l’école
réinvestisse le travail social et que le travail social réinvestisse l’école.
Pour atteindre cet objectif, il faut, par convention passée entre l’Etat et le
département, créer une permanence de l’aide sociale à l’enfance dès l’école primaire
puis au collège. L’enjeu est de passer ainsi d’une logique de signalement à une
logique proactive de détection.
La loi sur la protection de l’enfance du 5 mars 2007 a certes mis en place, dans
chaque département, des cellules de signalement chargées de recueillir les
informations préoccupantes relatives aux mineurs.
L’éducation nationale participe activement à ces cellules et à leur alimentation.
Pour autant s’impose un plan de rénovation de la médecine scolaire, appelé de ses
voeux, en 2007, par Valérie Pécresse, alors rapporteur du projet de loi et qui
constatait que : « Les conditions d’exercice de la médecine scolaire et de l’action sociale dans les
établissements sont très dégradées… la moyenne du nombre d’élèves par médecin est de 5650… les
infirmières ne sont présentes que dans le second degré, à raison de 1840 élèves par infirmière… la
mission de l’infirmière d’établissement est essentielle. Elle a un rôle de conseiller en matière de
prévention et elle est particulièrement bien placée pour contribuer au dépistage des souffrances de
toute nature des adolescents. Le nombre des psychologues scolaires s’établit à 3600 ; leurs fonctions
exercées uniquement à l’école maternelle et en primaire, recouvrent essentiellement des actions en
faveur des enfants en difficulté d’apprentissage ».
43
Ce diagnostic, toujours d’actualité, appelle à une véritable réforme du service de
santé scolaire souhaitée par les professionnels de l’enfance et de l’adolescence.
Cette réforme pourrait s’articuler autour de deux axes majeurs.
► L’élévation du seuil de compétence de la Protection Maternelle et
Infantile de 6 à 12 ans pour assurer un véritable suivi sanitaire des enfants.
Les auditions réalisées parmi les professionnels de la protection de l’enfance et
notamment de juges des enfants décrivent, en effet, chez beaucoup de mineurs un
état sanitaire très dégradé même si comme le rappelle Marc-Philippe Daubresse « la
consommation régulière de tabac, d’alcool et de cannabis, notamment celle du tabac quotidien est
globalement en baisse depuis 2005 chez les 15-24 ans ».
Afin de retisser le lien entre l’école et la PMI, il est donc essentiel que le
conseil général, dont ce service relève, favorise l’exercice de son activité de
détection au sein des établissements scolaires.
►La création d’un réseau partenarial réunissant éducation nationale,
centres médico psycho-pédagogiques et services de psychiatrie infantojuvénile.
Il est aujourd’hui nécessaire de créer une synergie entre l’ensemble de ces
services pour évaluer les besoins par établissement et assurer le suivi des élèves qui
présentent des troubles psychologiques voire psychiatriques.
Outre la prise en charge, ce réseau doit permettre au sein des établissements
scolaires, notamment au niveau des collèges, la création d’équipes pluridisciplinaires
(orthophonistes, psychologues, éducateurs de rue, ASE, éducation nationale) en
charge de détecter et de répondre à des comportements d’enfants difficiles.
Cette démarche est selon le Professeur Marcel Rufo indispensable. Les études
démontrent en effet que 15% des enfants sont vulnérables, c’est à dire incapables
de répondre, de manière adaptée, à l’agressivité interne ou externe à laquelle ils sont
exposés.
Cette vulnérabilité pourrait pourtant être repérée chez les petits entre 2 et 3 ans.
C’est à ce stade que doit être posé sur l’enfant un regard pluridisciplinaire visant à
rechercher s’il existe à ces troubles une cause médicale ou familiale. Or, selon ce
praticien, ce regard n’existe malheureusement pas aujourd’hui.
44
A l’identique, le Conseil Economique, Social et Environnemental, dans un
projet d’avis intitulé « La pédopsychiatrie : prévention et prise en charge » publié le
10 février 2010 remarquait « que le retard dans le dépistage des troubles du comportement
était d’autant plus préjudiciable qu’il annonçait des difficultés supplémentaires dans le
traitement…Il en appelait à favoriser un dépistage plus précoce des troubles mentaux des enfants
et des adolescents ».
Sans volonté de relancer la polémique sur ce sujet, une prise en charge précoce
des difficultés des enfants ne serait-elle pourtant pas préférable à l’attitude actuelle
qui consiste à attendre les passages à l’acte pour agir ? Il est en effet communément
admis, y compris auprès de praticiens pourtant opposés au rapport de l’INSERM
publié en 2006, l’importance de repérer le plus tôt possible un enfant en souffrance.
A cet égard, la mission souligne la forte convergence qui existe entre
professionnels de santé (Marcel Rufo, Philippe Jeammet), personnes qualifiées
(Eric Debarbieux, Jean-Pierre Rosenczveig, Daniel Auverlot, Patrick Beau, Gilles
Pinard), grands élus (Jean-Pierre Chevènement, Louis Nègre) et acteurs associatifs
de terrain (Sonia Imloul) pour faire de la problématique du diagnostic avancé
l’enjeu d’un vrai débat.
Ces éléments militent aujourd’hui pour la mise en place d’un repérage
précoce des enfants en souffrance (proposition n°7).
C - Lutter contre les violences scolaires
Les problématiques de sécurité sont malheureusement rentrées au coeur de la
vie des établissements scolaires. Nombre des personnes auditionnées ont mis en
lumière les corrélations évidentes qui existent entre décrochage scolaire et violences
à l’école.
Ces personnalités déplorent que certains établissements soient aujourd’hui le
creuset d’attitudes antisociales et d’encouragement à l’échec. D’autant que la
ségrégation des « mauvais éléments » et leur regroupement dans les mêmes classes
contribuent à la création de noyaux durs de perturbateurs.
Et Eric Debarbieux d’ajouter que l’école « participe bel et bien à la construction des
bandes en favorisant le regroupement dans les mêmes classes d’élèves s’identifiant progressivement
contre l’école ».
Il n’est pas inutile de souligner que 95% des phénomènes de violences sont
internes aux établissements et sont commis entre pairs, les intrusions extérieures ne
recouvrant que 5 % des faits recensés.
45
Il est donc évident que les phénomènes de violences scolaires, qui sont devenus
des violences commises en groupe, ne doivent, en aucun cas, être confondus avec
les phénomènes de violences urbaines.
Si l’augmentation du phénomène de violence est attestée, en revanche, la
connaissance des faits diminue, d’autant que ces violences entre pairs sont souvent
commises à l’abri du regard des adultes.
Ce phénomène est celui de la haine de proximité ou du harcèlement scolaire
sachant qu’un élève victime court quatre fois plus de risques qu’un autre de
développer des tendances suicidaires.
Ces violences scolaires sont génératrices d’absentéisme, d’échec scolaire, de
dépression, voire de violences en réponse. Ainsi, des études menées par le FBI
démontrent que 75% des « school shooters » avaient eux-mêmes été victimes de
harcèlement à l’école ; armés à l’origine pour se protéger, ils le furent ensuite pour se
venger.
Ces phénomènes de constitution de groupes de pairs, en lien avec la rue et
l’augmentation de la violence de groupe dans les établissements scolaires, appellent
des réponses d’urgence et mieux adaptées à ces enjeux.
1°) Mieux lutter contre le racket scolaire
Auditionnés par la mission, Luc Chatel, Ministre de l’Education Nationale et
Alain Bauer, Président de l’Observatoire national de la délinquance, ont fait profiter
la mission de travaux récents conduits dans le cadre des Etats généraux de la
Sécurité à l’Ecole.
La lutte contre le racket constitue plus que jamais aux yeux de la mission un
enjeu qui requiert une mobilisation partagée.
Face au danger de l’omerta qui souvent entoure ces actes de délinquance
juvénile, le groupe de travail préconise, sur la base d’une plate-forme stratégique
entre les Ministères de la Justice, de l’Intérieur, de l’Education Nationale et de celui
de la Santé, le lancement d’une grande campagne nationale d’incitation visant les
enfants à s’exprimer et à dénoncer les faits dont ils pourraient être victimes.
Une campagne nationale de communication reprise au sein des établissements
scolaires doit permettre de dénoncer la réalité et de mettre en lumière les effets du
racket et du harcèlement scolaire. Il faut dire qui est l’agresseur, qui sont les
victimes et décrire le processus et les effets de ces agressions, micro-violences
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répétées ou violences plus graves. Il faut rendre visible le phénomène pour éviter la
culpabilisation, la honte et le silence surtout au sein des populations les plus jeunes.
A cet égard, il ressort des chiffres de la Direction centrale de la Sécurité
Publique que 25% des faits constatés de racket concernent des mineurs de moins
de 13 ans et 47 % des mineurs de 13 à 16 ans.
Or, il apparaît que la dernière campagne nationale française d’information et de
lutte contre le racket remonte à l’année scolaire 1999-2000. Trois millions de
dépliants, rappelant le numéro de téléphone de « SOS Violence », avaient alors été
distribués à tous les collégiens.
Plus récemment, certaines collectivités territoriales, dont le Conseil régional
d’Ile de France, ont développé des initiatives locales intéressantes et notamment,
comme l’a rappelé Brigitte Barèges, la campagne « Le racket : parlons en ! » fondée
sur la distribution dans les collèges de Montauban de tracts de sensibilisation.
Plusieurs actions menées en Belgique ont également attiré l’attention de la mission.
- Bonnes pratiques
1/Stopracket - Bruxelles
Le projet consiste en une approche globale du phénomène du racket par la
collaboration avec les partenaires sociaux locaux. L’objectif est de sensibiliser les
jeunes à ce fléau et de leur apporter des outils pédagogiques de prévention.
L’innovation principale du projet est la création d’une adresse e-mail :
stopracket@zpz5340.be par laquelle il est proposé aux adolescents de
communiquer de manière anonyme avec les enquêteurs spécialisés du service
jeunesse & famille de la police de Bruxelles. Un échange d’informations est donc
possible entre les services de police et les jeunes permettant d’orienter le travail de
terrain, de donner des conseils et de convaincre la victime de la nécessité de porter
plainte.
2/ Le racket, la balle est dans ton camp - Ville de Huy, Service
communal de Prévention.
Sur la base des faits relevés par la Police, une action de sensibilisation antiracket
a été mise en place durant l’année scolaire 2008/2009 à destination des 12-
15ans. Le but poursuivi est non seulement de pouvoir aider les victimes mais aussi
de responsabiliser les auteurs de ce genre de délinquance. La commune a fait le
choix d’un support adéquat pour chaque tranche d’âge, à savoir une représentation
théâtrale pour les plus jeunes (6e primaire) et un support ludique de proximité (roue
de la fortune) pour les élèves plus âgées (1er et 2e primaires).
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Lancement d’une campagne interactive d’information nationale contre le
racket scolaire (proposition n°8).
2°) Mieux lutter contre le harcèlement scolaire
Il ressort d’une étude menée par l’association québécoise des psychologues
scolaires que 10% des élèves seraient victimes d’intimidation. Il a été rapporté à la
mission par Eric Debarbieux l’émergence d’un phénomène nouveau de « cyber
harcèlement » dont 20 à 25% des adolescents seraient victimes. Tendance
confirmée par Ghislaine Baumann, proviseur de lycée, qui indique à la mission que
« la culture médiatique, le voyeurisme, les vidéos et internet, toute cette prise d’images aggrave le
phénomène ».
Devant l’ampleur de ce phénomène de « School Bullying », des programmes
innovants ont été développés sur le continent Nord américain (Canada, Etats-Unis)
et dans certains pays d’Europe du Nord (Finlande, Suède, Norvège, Allemagne). Ils
visent autant à agir sur le comportement des élèves qu’à épauler les enseignants afin
de leur permettre de mieux comprendre le développement des conduites agressives
dans une classe.
A titre d’exemple, il faut mentionner les programmes développés aux Etats-
Unis (Anger Coping Program) qui aident les jeunes concernés à identifier leurs
problèmes et à trouver des solutions alternatives à la colère.
Ces dispositifs reposent sur l’utilisation de vidéos qui montrent les
transformations physiques générées par la colère incitant les élèves à prendre
conscience des effets néfastes de cet état pour trouver, en groupe, des solutions
alternatives.
Au cours d’un déplacement effectué à Berlin, la mission a également pu
constater le succès rencontré par un programme de maîtrise de la violence qui
s’adresse aux adolescents.
- Bonne pratique
L’exemple Berlinois des entraînements anti-violence
Les entraînements anti-violence ont été expérimentés pour la première fois en
1987 à l’initiative du Ministère de la justice du Land de Basse Saxe. Ils s’adressent
aux adolescents à partir de l’âge de 14 ans mais aussi à de jeunes adultes (de moins
de 21 ans) auteurs d’infractions violentes.
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Les résultats encourageants, évalués pour la première fois en 1989, ont incité
certains services de l’aide sociale à l’enfance et associations habilitées à les
expérimenter.
A ce jour, cette mesure est dispensée soit dans un cadre purement préventif
notamment dans certaines structures scolaires, soit dans un cadre judiciaire au titre
des mesures éducatives prononcées par le juge des enfants en cas d’infraction.
Dans le premier cas qui nous intéresse, la participation du jeune à un tel
dispositif repose sur son volontariat. On parle alors de « coolness Trainig » ou
encore de « Be cool Training ». Dans le second cas, on parle alors de « Anti Gewalt
Training » (entraînement anti-violence), la participation du jeune à la mesure étant
alors obligatoire.
La mesure vise à explorer les facteurs favorisant le passage à l’acte violent ou à
l’agressivité et à confronter l’individu à ces propres déterminations. Les participants
travaillent sur des situations concrètes en étudiant les différentes possibilités d’y
faire face, de la moins violente à la plus violente. Les participants sont alors placés
dans des jeux de rôles, soit en qualité de victime ou d’auteur pour favoriser une
modification de leur perception de leur propre violence.
Le concept de cette mesure est protégé auprès de l’office fédéral des brevets.
Trois instituts en Allemagne dispensent l’enseignement de cette méthode qui
aboutit à une certification de la personne formée.
Ces formations sont organisées sous la forme de réunions hebdomadaires d’un
groupe de six à dix personnes pendant plusieurs mois (six mois en général).
Il est à noter que les différentes évaluations menées depuis 1989 démontrent les
points suivants :
- l’adhésion des praticiens, éducateurs et juges, à la mesure ce qui explique sans
aucun doute le succès dont elle jouit auprès des communes qui sont toujours plus
nombreuses à l’introduire dans le panel des mesures éducatives mises en oeuvre par
leurs services,
- la constatation que les personnes ayant suivi ces entraînements font montre
d’une meilleure maitrise de leur agressivité, d’une propension moins importante aux
comportements violents par rapport aux personnes ayant le même parcours
délinquant mais n’ayant pas bénéficié de la mesure.
La mission a également pu constater que le traitement du harcèlement scolaire
et de ses conséquences constituait également en Europe du Nord un pilier fort de
la politique de prévention.
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- Bonnes pratiques
1/-L’exemple Finlandais
Le programme KIVA de lutte contre les phénomènes d’intimidation à l’école a
été récompensé en 2010 par le prix européen de prévention de la criminalité.
KIVA dans le primaire
Dans un établissement scolaire, le programme KIVA débute toujours par un
questionnaire que chaque enfant doit remplir sur une page-internet dédiée,
accessible par un mot de passe. A l’aide de ce questionnaire, l’enfant donnera les
informations les plus précises sur l’atmosphère de sa classe, sur les camarades avec
lesquels il a de bons rapports, sur les notions de respect mutuel et les codes de
communication.
Impulsé en 2007 autour de 117 établissements pilotes, le programme regroupe
aujourd’hui 1400 établissements sélectionnés, soit la moitié des établissements
scolaires du pays.
En plus de l’application de KIVA, un groupe spécial, composée du chef
d’établissement assisté de quelques enseignants, effectue un suivi quotidien du
comportement des élèves.
Ce programme se déroule en 20 heures de séances dispensées au cours d’une
année scolaire Au stade de l’école primaire, quatre phases devront être abordées :
une première discussion collective en phase 1, des travaux de groupe en phase 2,
des séances de vidéo montrant des exemples de harcèlement en phase 3, des
exercices de jeux de rôles en phase 4. En fin d’année, chaque classe se fixe
délibérément un règlement interne propre, que chaque élève doit signer.
KIVA au collège
Dans une classe de collège, quatre nouveaux thèmes apparaissent : dans la phase
1, sensibiliser la classe à l’idée de la dangerosité d’intimider les autres ; en phase 2,
susciter de la compréhension à l’égard des victimes ; en phase 3, élaborer des
stratégies permettant aux enfants de soutenir leurs camarades brimés y compris en
prenant leur défense.
Enfin la phase 4 vise à améliorer des capacités d’auto-défense des élèves en
proie à ces brimades. De fait, le programme est étayé par la distribution d’un guide
indiquant aux enseignants ce qu’il leur faut concrètement effectuer dans chaque cas
de figure. Si les garçons sont plus directs et physiques, une responsable du
programme confirme que l’intimidation est loin d’être absente des classes de filles.
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Simplement elle se déroule de façon moins visible : “Les filles ont tendance à brimer
l’autre indirectement par les fausses rumeurs, la calomnie. Dans ces cas-là, il s’agit
de manipuler les autres élèves afin qu’elles aient une opinion négative de la victime.
Donner des surnoms rabaissant à l’autre, l’insulter devant le groupe est aussi une
pratique très fréquente en Finlande. Ces rumeurs sont même propagées au moyen
des SMS des téléphones portables”. En revanche, les professionnels révèlent qu’il
existe très peu de cas de brimades entre filles et garçons, comme si les pratiques
d’intimidation restaient spécifiques à chacun des deux sexes.
2/-Le programme Olweus de prévention de l’intimidation.
Créé en Norvège par le Professeur Dan Olweus, ce dispositif est aujourd’hui
reproduit dans une douzaine de pays dont l’Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-
Uni et le Canada. Ce programme global, qui vise les 6-15 ans, a pour objectif de
prévenir l’intimidation dans les écoles en restructurant l’environnement scolaire, en
améliorant les relations entre les élèves et en réduisant les occasions d’intimidation
et les avantages qui en découlent au moyen d’une plus grande implication des
personnels de l’école. Reposant sur des séances individuelles ou collectives de
formation, il implique les élèves, les enseignants et tous les personnels de
l’établissement scolaire.
Il se divise en trois éléments distincts :
- les interventions à l’échelle de l’école comprennent l’élaboration d’un
règlement sur l’intimidation, la mise en place d’un système de surveillance des
élèves pendant les récréations et l’administration d’un questionnaire sur
l’intimidation et ses victimes, que les élèves remplissent anonymement ;
- les interventions en salle de classe portant sur l’intimidation et les relations
entre les élèves. Elles comprennent également des réunions de parents et
l’établissement d’un règlement contre le harcèlement ;
- les interventions personnelles sont spécialement axées sur les victimes et les
auteurs d’intimidation. Elles reposent sur des discussions avec les élèves, leurs
parents, les enseignants et les personnels de l’école.
Les évaluations opérées ont démontré une réduction entre 30 et 70% des
déclarations des cas d’intimidation soit par les auteurs, soit par les victimes. En
outre, une diminution nette des actes de vandalisme et de vol a été relevée.
Ces programmes participent incontestablement de l’enseignement du respect
mutuel, indispensable dans les apprentissages fondamentaux des plus jeunes. La
mission déplore le retard pris par la France dans le développement de tels
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programmes. Elle souhaite vivement qu’un tel retard soit comblé et que ce
dispositif puisse s’étendre aux relations garçon-fille.
Le programme mené par la protection judiciaire de la jeunesse au sein du
Centre d’Action Educative de Belfort et visité par la mission, mérite à cet égard une
attention particulière.
- Bonne pratique
Relations amoureuses et respect mutuel –les abus sexuels et la loi-
Menée depuis 8 ans par le centre d’action éducative de Belfort, cette action
s’adresse aux adolescents de 13 à 18 ans. Elle a été retenue au niveau national
comme une action de prévention de la délinquance remarquable et présentée en
2003 au concours international de Copenhague.
Chaque année, plus de 900 lycéens et collégiens bénéficient de cette action
financée en partie par le fonds interministériel de prévention de la délinquance. Une
conteuse professionnelle et un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse se
rendent dans les collèges et lycées, afin de parler aux élèves de la relation
amoureuse.
Trois contes traditionnels, parlant d’histoires d’amour consenties et non
consenties sont racontés.
Ils sont ensuite décodés avec les jeunes, pour mettre en évidence, à partir de
leurs réflexions, les codes sociaux contenus dans chaque histoire. Ceci donne lieu à
des débats permettant d’aborder les notions de respect mutuel, de consentement, et
d’expliquer comment elles se vivent dans une relation amoureuse entre adolescents
(rencontre, étapes de séduction…).
Ces notions servent ensuite d’appui au professionnel de la protection judiciaire
de la jeunesse pour expliquer, que, si elles ne sont pas respectées, il ne s’agit plus de
relations amoureuses mais d’abus sexuels qui entrainent des réponses judiciaires.
Développer dès l’école primaire des programmes de prévention des
comportements violents et discriminatoires (proposition n°9)
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II - Reconquérir la citoyenneté dans les quartiers en difficulté
La mission a constaté, au fil de ses auditions et déplacements à Sarcelles (95),
Meyzieu (69) et Roubaix (59), que dans les quartiers en difficulté l’acquisition de la
citoyenneté française faisait véritablement question. C’est la capacité même des
institutions à faire prévaloir les valeurs de la République qui est alors