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CES BARBELES QUE DECOUVRE L’HISTOIRE

samedi 13 février 2010, par Jeanne HILLION

Les éditions WALLADA ont la bonne idée de rééditer dans une édition enrichie le livre dont dont l’un des personnages, Joseph Toloche, a inspiré
Tony Gatlif
pour son film Liberté qui sort en ce moment dans les salles.

« Qui de nos jours connaît l’existence de ces camps ? Personne ou presque. Les ouvrages d’histoire évoquent bien l’extermination des Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale, mais ne disent mot des camps d’internement pour nomades en France. La bibliographie sur ce sujet serait inexistante sans les travaux de Jacques Sigot. Ses livres et ses nombreux articles ont permis aux historiens d’en prendre connaissance. »

Emmanuel Filhol et Marie-Christine Hubert

Les Tsiganes en France, un sort à part, 1939-1946, Perrin, 2009

« CES BARBELES QUE DECOUVRE L’HISTOIRE »

Parution février 2010

Troisième édition réactualisée et très enrichie
en documents inédits, photos couleur, articles de presse, commentaires et recherches

du livre de Jacques Sigot
sur le camp de concentration de Montreuil-Bellay (1940-1945)

« C’est à la suite de plusieurs demandes de Roms qu’il a rencontrés, de sa participation à un colloque international à Strasbourg et à la lecture d’un ouvrage de Jacques Sigot que Tony Gatlif a concrétisé son grand désir de tourner un film sur ce peuple et de raconter l’histoire de leur déportation. »
Extrait du site : http://patwhite.com/node/8141
.../...

Extrait de l’un des dossiers : Lettre de Julien Chevalier Schultz à l’auteur

Le barbelé (1)

« Elément essentiel de la gestion politique de l’espace, il est depuis sa création le symbole universel de tyrannie, d’oppression et de violence. Dispositif destiné au parcage des animaux… et à éloigner les indiens, il a eu une application massive pendant la Première Guerre mondiale. Hier, comme aujourd’hui, il trouve tout naturellement son rôle et sa fonction : exclusion, inclusion. Un double rôle entre l’extérieur et l’intérieur.

Son faible coût, sa facilité d’installation et son efficacité physique et psychologique font de lui l’élément central et incontournable de toute architecture de camp de concentration : sans barbelés, le camp n’existe pas.

La légèreté du barbelé dans l’espace comme limites du camp, a fait des prisonniers à ciel ouvert, parqués à l’intérieur de ces limites comme des animaux et condamnés à vivre comme tels.

Les prisonniers des camps de concentration ne sont pas des prisonniers comme les autres (2), quels que soient le camp et le lieu ; ceux du camp de Montreuil-Bellay n’ont pas échappé à la règle. Le traumatisme et les séquelles de ce type d’enfermement ont laissé des traces sur plusieurs générations, je le sais pour en être touché personnellement.

L’internement de ma famille dans ce camp, la mort de mon frère Maurice de malnutrition à l’âge de trois ans, la déchéance de la famille, car dans l’impossibilité de remonter la pente à sa sortie (3), sont à l’origine de mon placement à la DDASS et en orphelinat pendant sept ans et demi ; sans oublier qu’il m’a fallu attendre d’avoir soixante ans pour connaître cette triste histoire, directement liée à celle du barbelé. J’ai du mal à imaginer la douleur et les souffrances qu’ils ont pu endurer, sachant que rien ne peut psychiquement affecter un Tsigane, sauf celui de porter atteinte à sa liberté ou de toucher à sa famille. Par définition, le nomadisme n’est-il pas synonyme de liberté. De nomades, ils étaient devenus des gueux… Ma famille a fait partie de ceux-là. Mon ignorance de ce drame m’a, tout au long de ma vie, coûté plus cher que le savoir, parce que si j’avais su cette histoire, forcément ma vie eût été différente. J’aurais au moins su qui j’étais.

Partant du principe, selon la pensée chinoise ancienne, que connaître son ignorance est la meilleure part de la connaissance, je n’ai cessé depuis de lire et de me documenter. Aussi ai-je pu constater que si certains auteurs sont dignes de bonne foi, d’autres malheureusement écrivent tout et n’importe quoi, se prétendant Tsiganologues et rendant l’histoire de la destinée tsigane plus compliquée qu’elle ne l’est, inexacte, et surtout incompréhensible.

Pour être écoutée et entendue, la cause tsigane devra rétablir la vérité sur son histoire, celle de son passé et celle d’aujourd’hui. Je me réjouis à la pensée qu’il existe désormais une association à la mémoire du camp de Montreuil-Bellay... Nous restons vivant tant que quelqu’un se souvient de nous. Si nous nous souvenons d’eux… alors ils sont toujours vivants. Syllogisme qui puise toute sa force dans ce type d’action, parce qu’un jour, un certain Jacques Sigot, devenu depuis mon ami, a eu le courage d’écrire, et de consacrer une partie de sa vie à faire revivre ce camp tombé en désuétude et dans l’oubli… Celui qui oublie ou ignore son passé est condamné à le revivre (4). Puisse cette association prouver le contraire, et le travail de Jacques Sigot être le trait d’union entre le passé et le lourd travail de mémoire d’aujourd’hui.

Il y a un lien qui unit ceux qui de loin ou de près, participent à la réalisation de ce projet, un lien très fort qui laisse présager l’aboutissement et la réussite du dit projet... Un lien qui a pour origine le barbelé.

A mon ami Jacques. »

 Julien Chevalier Schultz.
 

Photo page 1 : Enfants tsiganes et barbelés du camp de Montreuil-Bellay en 1944 (Archives J. Sigot, S. F. M. de Marie).

1 Brevet d’invention du barbelé déposé le 24 novembre 1874 par l’Américain Joseph Farewell Glidden. Cette invention permit d’installer des clôtures dans les vastes prairies de l’Ouest américain, ce qui mit fin à l’époque des pâturages libres ("open ranges") et au métier de cow-boy.

2 Lire les ouvrages de Primo Levi. Plus particulièrement Les naufragés et les rescapés.

3 Ils avaient une caravane lors de leur arrestation, ils n’en avaient plus à leur sortie du camp.

4 Cette citation est attribuée à Berthold Brecht par certains, mais on la retrouve au Mémorial d’Oradour-sur-Glane comme appartenant à G. Santayana : « Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé, se condamnent à le revivre ».
remarque : ANNE M, notre internaute, nous précise que cette citation est attribuée à B. Brecht or la citation de base provient du " manifeste du Parti communisme" écrit en 1848 par K. Marx et le philosophe Engels. Merci Anne.

Disponible en librairie mars 2010

– Distribution Court-Circuit Diffusion, Paris, et Wallada, site www.wallada.fr, Tél. 06 61 16 24 66 / 09 77 65 96 19


Voir en ligne : Les éditions WALLADA