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communiqué de presse DEI-France

Un projet de loi dangereux et en trompe-l’œil

samedi 1er juillet 2006, par Jeanne HILLION

Un projet de loi dangereux et en trompe-l’œil

Pour DEI-France le texte adopté par le conseil des ministres du 28 juin 2006 sur la prévention de la délinquance est très préoccupant par les mesures préconisées, mais également par l’esprit qu’il développe.

Il est déjà consternant que le gouvernement identifie les enfants, aux côtés des malades mentaux et de délinquants sexuels, comme principaux fauteurs d’insécurité, et les familles comme les seules sources des difficultés que les enfants délinquants ont à connaître. Il est tout aussi consternant qu’il entende transformer les maires en « shérifs », centralisateurs d’informations sensibles au mépris des exigences du secret professionnel des travailleurs sociaux. Les élus de proximité jouissent aujourd’hui de la confiance de la plupart de leurs administrés. En serait-il encore de même si, à l’encontre de la majorité d’entre eux toutes tendances confondues, ce projet de loi devait se concrétiser ? Leurs arbitrages budgétaires ne doivent-ils pas privilégier les équipements culturels, sportifs et sociaux sur les caméras de vidéo-surveillance et la police municipale ?

S’il est exact d’affirmer que le recul de la délinquance « exige aussi la mise en œuvre d’une politique de prévention globale et cohérente », il est faux de prétendre que le texte présenté par le ministre de l’Intérieur contribue à cette politique globale et cohérente.

En vérité, DEI-France constate que l’on propose la répression, l’éducation musclée et la psychiatrisation des enfants comme seules stratégies de « prévention » ! Toutes les expériences jusque là conduites montrent qu’à aucun moment les diverses mesures répressives des libertés fondamentales, couvre-feux pour mineurs, écoles grillagées, sanctions immédiates, détentions en centres fermés, ou encore injonctions de soins infondés se sont révélées effectivement préventives de la récidive. À quoi il faut ajouter que la privation de prestations sociales pour les familles dont un membre se serait rendu coupable d’infraction quelconque réintroduit le principe de la punition collective, formellement interdite pour tous les principes qui fondent le droit républicain. Sans nier qu’il faille faire preuve de réactivité et de fermeté face à l’engagement d’un enfant dans la délinquance qui peut ignorer désormais l’inanité de la stratégie développée par le ministre de l’Intérieur ?

Au passage il porte gravement atteinte au droit pénal des mineurs français, atteintes dont il faudra rendre compte au plan international, notamment devant le Comité des experts de l’ONU qui doit entendre le gouvernement français en 2007 sur les applications de la Convention Internationale sur les Droits de l’Enfant :

il introduit le flagrant délit pour les mineurs en déniant le temps nécessaire de l’instruction et de l’éducation ;

il permet le recours à la composition pénale à 13 ans c’est-à-dire qu’il donne aux parquets le pouvoir d’injonction sur les mineurs délinquants ;

Et l’on sait que le souci du ministre de l’Intérieur est d’abaisser la majorité pénale à 16 ans pour appliquer aux 16-18 ans le droit des majeurs.

DEI-France s’interroge sur l’opportunité de cette quatrième réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 sous la même législature alors que, dans le même temps, on se targue d’une baisse de la délinquance ! Les législateurs et les gouvernants de 2002, 2003, 2004 et 2005 auraient-ils été à ce point défaillants ou la délinquance juvénile aurait-elle brutalement explosé ? À en croire les chiffres du ministère de la Justice (Infostat n° 86 de mars 2006), elle s’est stabilisée sur 2005, voire a légèrement diminué.

DEI-France observe qu’en vérité la stratégie développée est une stratégie de camouflage :

- on camoufle la défaillance policière (taux d’élucidation très faible des affaires connues) par une prétendue faiblesse des juridictions ;

- on camoufle la non-réduction de la fracture sociale par un faux procès fait aux magistrats de l’enfance ;

- on camoufle les causes réelles des inégalités et des injustices sociales en faisant porter la responsabilité de leurs conséquences aux élus locaux, et dans tous les cas aux familles.

Il est clair qu’au lendemain des événements de l’automne 2005 un rendez-vous avec l’Histoire a été raté. Les mesures sociales et institutionnelles qui s’imposaient n’ont pas été prises et le feu couve toujours tant dans les banlieues que dans certaines zones rurales, comme peuvent en témoigner tous les acteurs associatifs et institutionnels, et notamment la police elle-même. Le projet de loi prétend viser à prévenir de nouveaux accès de violences, mais ne répond en rien aux problèmes des enfants, des jeunes et des familles de ces territoires, à l’égard desquels les promesses formulées dans la chaleur du moment, en matière d’emploi ou de logement notamment, n’ont pas été tenues.

DEI-France souhaite que l’examen de ce texte au Parlement soit l’occasion de décliner réellement les éléments d’une politique globale et cohérente de prévention de la délinquance qui passe notamment :

- par un soutien, une écoute sincère et un accompagnement respectueux des parents dans l’exercice de leurs responsabilités, en évitant tous les mécanismes de stigmatisation et de culpabilisation, en tenant compte de la diversité des situations familiales notamment pour les familles issues de l’immigration ;

- par une aide aux enfants et à leurs familles pour accéder à des conditions de vie décente, en matière de santé, logement et éducation ;

- par une aide aux enfants issus de l’immigration à voir s’ouvrir de réelles perspectives de promotion dans ce pays, en luttant enfin efficacement contre toutes les discriminations dans les accès à la formation, à la culture et à l’insertion professionnelle ;

- enfin, par la promotion des droits des enfants selon les exigences de la Convention Internationale d’où découlera de leur part une meilleure compréhension des exigences du vivre ensemble et de la part de tous les citoyens un meilleur respect de loi.

Paris, le 30 juin 2006

Contacts :

06 70 14 86 31 ;

01 43 01 93 65

dei@bernard-defrance.net

Défense des Enfants International - section française :

www.dei-france.org


Qu’est ce qu’est DEI-France

Défense des Enfants International - France est la branche française de l’organisation non gouvernementale née en 1979 avec pour objectif de contribuer à l’écriture du projet de Convention Internationale sur les Droits de l’Enfant (C.I.D.E.).

Sans D.E.I., le texte initialement avancé par la Pologne ne serait pas ce qu’il est devenu. Sous la férule de Nigel Cantwell, alors son responsable des études, D.E.I - Genève pilota ainsi le groupe des O.N.G. mobilisées sur le projet avec pour souci d’alimenter en propositions rédactionnelles le travail du groupe de 43 Etats en charge d’arrêter les termes de la Convention.

Depuis l’adoption de la Convention le 20 novembre 1989 par l’Assemblée générale de l’O.N.U. et son entrée en application le 6 septembre 1990, D.E.I. se donne pour contrainte de veiller à son application.

Elle dispose d’une cinquantaine de sections nationales dont la notre constituée le 20 novembre 1998 pour combler un vide qui choquait beaucoup à l’étranger.

D.E.I. - France compte une centaine d’adhérents, personnes physiques et morales : juristes, travailleurs sociaux, enseignants, communes, CAF, etc. avec cette caractéristique de n’être « inféodé » à aucune culture de groupe particulière, à aucune logique institutionnelle. Nous avons pour souci l’application de toutes les dispositions de la Convention quand souvent tel mouvement prévilégie l’un ou l’autre pan du traité international.